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Publié le mercredi, 24 septembre 2008 à 21h06

Rêve ultime - Monologue posthume de Cesare Pavese

Par Vincent Cespedes

paveselogo.jpgpavesevincent149.jpg(composé par Vincent Cespedes à partir de citations de l'auteur)
Ce n'est pas le bonheur qui obsède Cesare Pavese, mais la poursuite du bonheur, aussi vaine qu'éperdue. Le bonheur, à corps perdu.

La vie lui file entre les doigts, tourments nocturnes, grumeaux de joies — insaisissables. L'écriture seule demeure. Et la sienne ne connaît ni pitié ni emphase : une hantise qui vous ferait presque croire à l’existence, une douceur qui vous ronge. De l’enfance dans les collines sauvages du Piémont au suicide dans une chambre d’hôtel de Turin, la vie de Cesare Pavese est autobiographique. Il n’écrit pas sa vie : sa vie l’écrit, lui donne une consistance toujours provisoire, un semblant d’identité dans le chaos filandreux du monde. Il se sert de l’écriture comme d’une ancre pour s’arrimer à la vie, mais l’ancre littéraire ne s’arrime à rien de concret, ripe sur les autres, le corps, les souvenirs.

Politiquement, Vicenzo Binetti vise juste lorsqu’il écrit : « Pavese ressentit le poids que cette identité faible qui était la sienne avait dans une période historique où l’on demandait à l’intellectuel une présence subjective forte. » Psychologiquement, Jacques Beaudry a aussi raison de voir en Cesare Pavese « un jeune homme terrifié par l’idée de l’agonie qu’il finit par escamoter avec celle du suicide, un jeune homme qui trouve aussi dans l’exaltation intellectuelle un moyen de cesser de vivre, de s’arracher à lui-même et de la vie assassine pour revivre par et avec les livres. »

Mais il me semble que le mal de Cesare Pavese est aussi, voire surtout, d’ordre philosophique. Une conception du monde et des relations humaines qui ne tient pas debout. Pour en esquisser la nature, j’ai composé ce Rêve ultime à la manière d’une pièce en cinq scènes. Ce texte est strictement issu d’un collage de citations de l’auteur, dont la plupart proviennent de son journal (Le Métier de vivre) et de sa correspondance.

Juste après qu’il ait avalé une boîte de somnifères pour se donner la mort, Cesare Pavese se scinde en deux personnages. Une hallucination funèbre, qui en dit long sur ce qu’il avait dans la tête, et sur le cœur.

Les cinq scènes :

  1. L'ami
  2. L'écriture
  3. L'amour
  4. Les autres
  5. Le destin