Cosa succede in città

Publié le vendredi, 12 juin 2020 à 06h56

Les arts et la culture après la pandémie

Par Graziana Lucarelli

Connue dans le monde entier pour ses œuvres d’art, ses artistes, ses lieux et ses villes d’art, l’Italie fait face, peut-être plus que d’autres territoires, à des interrogations profondes concernant l’avenir des lieux et des personnes qui sont au cœur du développement artistique et culturel du pays. Si l’arrivée imminente de l’été oblige les acteur.rice.s politiques et sociaux.les italien.ne.s à mener une réflexion à court terme, nombreux.euses sont celles et ceux qui veulent profiter de cette crise planétaire pour rediscuter des règles du vivre ensemble et de la place que les arts devraient jouer dans « le monde d’après ».

Les questions qui se posent sont multiples et diversifiées en fonction des secteurs d’activité. Coté cinéma, la pandémie a eu des conséquences tout d’abord sur les modalités de visionnage, pour ensuite se répercuter sur la production des œuvres cinématographiques elles-mêmes. Les plateformes de streaming en ligne ont globalement tiré profit de ces quelques mois de confinement. Les plateformes Amazon Prime Video et Tim Vision ont même rendu leurs contenus accessibles gratuitement en Italie jusqu’à fin mars, dans une démarche qu’on peut estimer à la fois de solidaire et de promotionnelle.

Parallèlement, un ensemble de points critiques ont vite émergé :

- l’arrêt de la grande majorité des tournages comme conséquence d’une contamination touchant de plus en plus de pays ;

- la diminution des revenus globaux des italien.ne.s étant ainsi obligé.e.s de réduire leurs dépenses en loisirs ;

- l’arrêt des occasions de socialisation directement liées au cinéma, telles que le visionnage en salle et les festivals.

Afin de retrouver, tout du moins en partie, les échanges et les rencontres interpersonnelles liées au cinéma et donner à l’industrie cinématographique un nouveau souffle, l’idée des drive-in s’est imposée. Après un grand succès pendant les années 50, l’Allemagne et les Etats-Unis sont les premiers pays touchés par la pandémie à s’être penchés sur l’idée de revenir à cette ancienne modalité de visionnage en extérieur quelque peu romantique.  L’Italie a suivi et nombreuses semblent être les villes italiennes intéressées à expérimenter cet été cette modalité de cinéma en plein air via le projet Live Drive In.

Parallèlement, d’autres questions ont émergé, à savoir :

- Est-ce que la modalité drive-in pourrait se concilier avec les enjeux environnementaux ? Apparemment cela serait possible pour les villes de Turin et Mantoue qui préconisent, plutôt que le drive-in, le bike-in : même principe, mais le vélo remplace la voiture. Ici pour en savoir plus.

- Est-ce que la modalité drive-in pourrait concerner aussi les concerts ? Les concerts, comme les autres typologies de spectacles vivant, ne tireraient profit que marginalement de ce type d’initiative car peu du personnel normalement impliqué dans l’organisation d’un spectacle vivant pourrait l’être de la même manière dans la modalité drive-in. Sans compter que pour de nombreux concerts, le contact physique constitue une partie intégrante de l’expérience recherchée par le public. Voilà pourquoi certain.e.s se disent prêt.e.s à attendre 2021 plutôt que de cautionner ce type d’expérience.

Or, les grands événements musicaux, tels que les festivals et les concerts dans les stades et dans les amphithéâtres, qui étaient prévus en Italie cet été sont, de fait, tous annulés et en grande partie déjà reprogrammés pour l’été de l’année prochaine. Mais une lueur d’espoir résiste pour les plus petits concerts, ceux qui pourraient se dérouler sans compromettre la distanciation sociale, le maitre parmi les gestes barrière.

D’autres questions se posent alors, qui sont de l’ordre de la rentabilité de ces événements : comment des jauges plus restreintes pourront permettre à ces événements de rester sur pied, d’autant plus si la vente de boissons et nourriture qui participe grandement à leur survie est également limitée pour des questions d’hygiène ? Face aux conséquences des mesures sanitaires, restent à voir les mesures politiques que les municipalités voudront/pourront prendre.

Le cri d’alarme lancé par l’élu à la culture de la ville de Florence, Tommaso Sacchi, a eu un bon écho dans les médias. Malgré la possibilité de re-ouvrir les musées municipaux dès le 18 mai dernier, la ville de Florence a décidé de ne pas saisir cette opportunité. Dans cet article il a ainsi expliqué ce choix :

“In questi giorni abbiamo raccolto le stime e le valutazioni dell’area tecnica di Palazzo Vecchio: un mese e mezzo di apertura parziale, solo nel weekend, di appena tre musei, costerebbe mezzo milione di euro. Sono soldi che non abbiamo e senza le rassicurazioni che abbiamo richiesto al Governo nelle ultime 5 settimane sul ristoro anche parziale della tassa di soggiorno non possiamo impegnare questa spesa.”

Comme Sacchi le dit justement, les municipalités, notamment les villes d’art italiennes qui se reposent en grande partie sur le tourisme, ont été fortement pénalisées et continueront à l’être dans les mois à venir, ce qui impacte le secteur artistique et oblige la ville à focaliser sur moyens sur les soi-disant « services essentiels ».

Et c’est justement contre cette idée selon laquelle l’art serait un bien accessoire, presque futile que le comédien Stefano Massini a lancé une invective dans son intervention à l’émission Piazza Pulita. Parmi ses arguments, le constat selon lequel derrière chaque artiste il y a nombre de travailleur.euse.s dont les métiers sont moins « artistiques » et ainsi (peut-être) plus utiles aux yeux de certain.e.s (comme des chargé.e.s de presse, des entreprises de sécurité, de catering, des ingénieur.euse.s du son, etc.) Mais aussi l’idée que l’art est essentiel car il nous permet de nous forger des souvenirs, une identité et il répond à la soif de beauté que nous avons en tant qu’êtres humains. Massini clôt son monologue en lançant un appel à ne pas caractériser le monde d’après par un oubli de l’art, de la beauté et des métiers soi-disant « inutiles ».

Au carrefour entre art et entreprise, le monde de la mode italienne a également souhaité se projeter plus loin qu’à l’horizon de l’été 2020. Face aux contraintes imposées par la pandémie, Gucci et Armani sont les premiers à avoir invoqué une réduction des rythmes de production pour redonner du sens à leurs métiers. Dans l'article suivant, le directeur créatif de Gucci s’est exprimé de la manière suivante :

«Ho deciso di costruire un percorso inedito, lontano dalle scadenze che si sono consolidate all’interno del mondo della moda e, soprattutto, lontano da una performatività ipertrofica che oggi non trova più una sua ragion d’essere».

D’autres artistes les suivront-ils ? Sommes-nous à l’aube d’une reconfiguration du monde de l’art tel que nous l’avons connu ? Est-ce qu’un changement de paradigme s’imposera au-delà du monde de l’art en impliquant la société italienne dans sa globalité ?

Pour approfondir les perspectives entre culture et tourisme, vous trouverez une émission radio sur ce sujet ici.