Publié le mardi, 25 novembre 2008 à 22h32
Les années Andreotti
La longue carrière de Giulio Andreotti couvre et marque environ 50 années d'histoire italienne, de l'après-guerre aux années 90. L'actuel sénateur à vie a occupé une multitude de postes officiels, toujours significatifs.
Sept fois Président du Conseil des ministres pendant 2582 jours consécutifs, c'est l'homme qui depuis la naissance de la République italienne a le plus gouverné le pays (Moro 2277 jours, Berlusconi 2054, Craxi 1352). Il a été ministre dans 21 gouvernements
1942 – 1953 : premières responsabilités
En 1942, à l’âge de 22 ans, il remplace Aldo Moro (parti pour le service militaire) à la présidence de la FUCI – Fédération des Universitaires Catholiques Italiens. Dans la même année, la Démocratie Chrétienne (DC) est fondée dans la clandestinité, le parti qui sera à la tête de l’Italie pendant environ 40 ans.
Après la fin de la Seconde Guerre Mondiale (en Italie le 25 avril 1945), le 2 juin 1946 les Italiens, et pour la première fois les Italiennes aussi, sont appelés à choir par référendum si l’Italie doit rester une monarchie ou devenir une république. Les électeurs choisissent la république avec une majorité d’à peine 52% des voix.
Le peuple italien élit aussi une Assemblée Constituante qui a la charge d’écrire la nouvelle Constitution. Andreotti en fait partie.
À l’intérieur de l’Assemblée s’affirment trois partis: la Démocratie Chrétienne, avec 35% des voix, le Parti Communiste Italien (PCI) et le Parti Socialiste Italien (PSI).
Le premier Président du Conseil des ministres est Alcide De Gasperi, co-fondateur de la Démocratie Chrétienne.
De Gasperi sera protagoniste de la renaissance économique de l’après-guerre et le promoteur de la politique du « centrisme ». Ces années sont caractérisées par la forte opposition entre la DC et le Parti Communiste, exclu du gouvernement, et par une ferme intervention du Vatican dans la politique intérieure.
Andreotti débute comme personnage politique en 1946, en tant que sous-secrétaire à la Présidence du Conseil, avec délégation au sport et spectacle. Il met en vigueur une loi qui contraint les producteurs de films étrangers à investir en Italie les rentrées réalisées dans les cinémas italiens. En 1948 il est élu Secrétaire de la DC.
En 1953 Alcide de Gasperi est obligé de démissionner de sa fonction de Premier Ministre, à cause des polémiques suscitées par la nouvelle loi électorale, dite par l’opposition “legge truffa”, (loi escroquerie), qui donne 65% des sièges de la Chambre des députés à la liste ou groupe de listes qui atteint 50% plus 1 des voix.
1954 – 1968 : 12 fois ministre
Le 8 janvier 1954, pendant le Premier Gouvernement du démocrate-chrétien Amintore Fanfani, Andreotti est nommé pour la première fois ministre de l’Intérieur. Sans interruption, de 1954 à 1968 il sera ministre 12 fois, 2 des Finances, puis du Trésor, 7 fois consécutives de la Défense et finalement de L’industrie et du Commerce.
Dans la deuxième partie des années 50, le Centrisme est en crise et commence une longue phase de transition vers le Centre-gauche, soit une alliance entre la Dc et le Parti Socialiste Italien.
Les événements internationaux de 1956 se reflètent sur la politique interne: Khrouchtchev dévoile les crimes de Staline, et en automne éclate la révolution hongroise, brutalement réprimée par les Soviétiques. Dans ce nouveau cadre, le PCI éprouve le besoin d’avoir un rôle plus autonome par rapport aux autres partis communistes européens, et le PSI s’éloigne de l’extrême gauche pour chercher un rapprochement avec la DC.
En 1957, l’Italie adhère à la CEE, nouvellement créée.
Durant ces années-là on assiste au soi-disant « miracle économique », la période de forte croissance où le Produit intérieur brut augmente énormément, avec une conséquence positive sur la consommation des ménages.
Andreotti est ministre de la Défense quand, pendant l’été 1964, l’Italie est surprise par le cas du Piano Solo, une tentative manquée de coup d’état de la part du général des Carabinieri Giovanni De Lorenzo.
Les années ’70: les « années de plomb » et l’enlèvement d’Aldo Moro
Les années de la contestation sont caractérisées par de nombreux et très graves actes de déstabilisation, de violentes manifestations et de meurtres. Les Brigades Rouges et d’autres associations terroristes ensanglantent le pays.
Le 12 décembre 1969 se produit le Massacre de la piazza Fontana : une bombe placée dans le centre de Milan provoque dix-sept morts et quatre-vingt-huit blessés.
Est accusé du massacre, entre autres, l’anarchiste Giuseppe Pinelli. Au cours d’un interrogatoire, l’homme tombe mystérieusement de la fenêtre du bureau du commissaire Luigi Calabresi.
Le 17 mai 1972 Calabresi est assassiné en bas de chez lui.
Le 18 février 1972, Andreotti est chargé de former son premier gouvernement.
Il s’agit d’un gouvernement en totalité démocrate-chrétien, qui n’obtient pas la confiance. Après seulement 8 jours (le gouvernement le plus court de la République italienne), il est nécessaire de trouver une autre formation, cette fois-ci orientée vers un centre-droite avec libéraux et sociaux-démocrates. Il reste en charge du 26 février 1972 au 12 juin 1973.
En 1974, la DC propose le référendum pour l’abolition du divorce, introduit en 1970, mais la majorité des Italiens choisit de le maintenir.
C’est dans la même année que se produisent deux autres célèbres attentas terroristes : le Massacre de la Piazza della Loggia à Brescia et le Massacre dans le train Roma-Brennero (Italicus).
Aux élections administratives de 1975 et aux législatives de 1976, les communistes obtiennent respectivement 5,6% et 7% en plus par rapport aux élections précédentes.
Les équilibres entre DC et PCI semblent s'acheminer vers le “compromis historique”, soit la formation d’un gouvernement de coalition entre DC et PCI, soutenue par le Secrétaire du PCI, Enrico Berlinguer, et par le président de la DC Aldo Moro.
En 1976, le gouvernement de la « non-défiance », ainsi nommé parce que possible grâce à la non défiance des communistes, est encore un gouvernement de ministres uniquement démocrates-chrétiens.
Mais, une fois jetés les fondements théoriques et idéologiques pour l’alliance, le PCI réclame un gouvernement soutenu par tous les partis.
Deux ans après, Andreotti propose une liste de ministres également formée par la seule Dc. Mais il n’y a pas de place pour les polémiques : le même matin où Andreotti présente son exécutive (16 mars 1978) Aldo Moro est enlevé par les Brigades Rouges. Enrico Berlinguer acceptera le gouvernement de solidarité nationale pour ne pas compromettre une situation déjà très délicate.
Pendant les jours de captivité de Moro, Andreotti est un supporter inflexible de la ligne dure, soit le refus de toute négociation avec les terroristes.
Aldo Moro est trouvé mort le 9 mai 1978 dans le coffre d’une Renault 4.
Le 22 mai, le Sénat rend légal l’avortement avec la très controversée loi 194, loi que le catholique Andreotti signe à contrecœur.
L’année suivante, le journaliste Mino Pecorelli est tué par balles. Le journaliste, qui enquêtait sur les scandales du monde politique, avait comme cible préférée le président Andreotti, qu’il avait surnommé le “Divo Giulio”. __ Le 2 aout 1980__ est la date, inoubliable pour les italiens, du Massacre de Bologne, un attentat qui fait quatre-vingt-cinq morts et plus de deux cent blessés.
En 1981, le Parlement acquitte Andreotti de l'accusation de complicité avec Guido Giannettini, soupçonné du Massacre de la Piazza Fontana.
Pour la première fois depuis qu’il est en politique, Andreotti passe quelques années cloîtré à la Commission des Affaires Etrangères de la Chambre.
1983 – 1989 : les années de la « distension »
Vers la fin des années 70 et au début des années 80, après la parenthèse de la solidarité nationale qui avait consenti au PCI de sortir momentanément de l’isolement, le PSI reprend l’initiative. Par rapport au passé, cependant, c’est un Psi amplement rénové, supporté par une classe dirigeante jeune, dynamique et ambitieuse, qui trouve son leader en Bettino Craxi.
Entre-temps, la découverte de la loge maçonnique P2 fait émerger plusieurs coulisses de la vie politique italienne. Le président du Conseil Arnaldo Forlani démissionne à cause du scandale qui s’en suit.
En 1983, M. Andreotti devient Ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement de Bettino Craxi, bien que les rapports entre les deux ne soient pas toujours détendus. Il se fait remarquer dans ces années-là notamment pour ses capacités de médiation et pour sa brillante habileté à produire d’importantes relations orientées vers la distension. Toujours cohérent avec les choix du Pacte Atlantique, (il autorise l'installation des missiles nucléaires des Etats-Unis en territoire italien), il arrive à maintenir aussi des rapports favorables avec les pays de l’Est et les pays arabes.
M. Craxi et M. Andreotti doivent affronter une grave crise avec les États-Unis en 1985. Un commando du Front de Libération de la Palestine prend en otage, au large de l’Egypte, les passagers et l’équipage du bateau de croisière Achille Lauro. Après de frénétiques négociations, les terroristes acceptent de céder en échange de l’immunité. Mais l’avion qui devrait les emmener en Egypte est intercepté par l’armée des Etats-Unis et forcé à atterrir dans la base OTAN de Sigonella, en Sicile.
Bettino Craxi s’oppose et demande le respect du droit International : un régiment de Carabinieri se portent à la défense de l’avion contre la Delta Force. Après quelques moments de haute tension, l’avion est escorté à Rome et les terroristes rendus à la justice italienne.
M. Andreotti se rapproche de plus en plus de la politique de M. Craxi, jusqu’a former un axe à trois avec Forlani. Les trois politiciens se lient dans une coalition de cinq partis (le « Pentapartito »), que M. Andreotti mène au pouvoir à l’occasion de son dernier mandat comme Président du Conseil (1989-1992). Pendant cette législature, il signe le traité de Maastricht, qui engage l’Italie à entrer en Europe.
Les années 90 : Mains propres (Mani Pulite) et la fin de la DC
En 1991, M. Andreotti est nommé Sénateur à vie.
Dans le même temps, le monde politique italien et ses institutions sont renversés par l’enquête Mains propres (Mani pulite, dite aussi Tangentopoli). La Démocratie Chrétienne et les autres partis historiques s’écroulent sous les accusations de corruption, concussion et financement illicite, assez pour faire parler de la fin d’une Première République et d’un passage à une Deuxième République.
En 1992, M. Andreotti est un des possibles candidats à la Présidence de la République, mais un soudain revirement de Umberto Bossi, chef de Ligue du Nord, fait manquer les votes nécessaires à la nomination.
Pas directement impliqué dans les affaires de Mains propres, en 1993 le Sénateur est mis en cause dans deux importants procès. Les magistrats l’accusent d’être le mandataire de l’homicide de Mino Pecorelli, le journaliste tué en 1979, qui aurait fait chanter M. Andreotti, pour plusieurs raisons dont l’enlèvement de Moro. Après un premier jugement, qui confirme les accusations et condamne le Sénateur à 24 ans de réclusion, en 2003 la Cour de Cassation annule la sentence.
Mais une autre accusation bouleverse et choque l’opinion publique : M. Andreotti est accusé de complicité avec la Mafia.
Le procès commence le 11 avril 1996 : le 24 septembre 1999 le verdict l’absout pour « ne pas avoir commis le fait », mais la Cour d’appel en 2003 confirme le verdict seulement pour les faits antécédents à 1980, en estimant qu’avant cette date le Sénateur avait montré «une disponibilité authentique, permanente et amicale » envers des personnages liés à la mafia.
À la fin d’un procès complexe qui a duré 11 ans, en 2004 la Cour de Cassation a confirmé la sentence, mais les accusations sont désormais en prescription.