Interviews

Publié le lundi, 5 septembre 2011 à 09h39

Entretien avec Kim Rossi Stuart

Par Stefano Palombari

Kim Rossi Stuart dans une scène du FilmA l’occasion de la sortie du film L’Ange du mal, du réalisateur Michele Placido, sur le gangster milanais Renato Vallanzasca, nous avons rencontré l’acteur romain Kim Rossi Stuart, qui joue le rôle du bandit.

Quelle a été votre réaction quand on vous a proposé d’incarner Renato Vallanzasca ?

J’ai accepté le rôle avec enthousiasme car j’avais lu le livre, Il fiore del male (La fleur du mal) écrit par Vallanzasca et le journaliste Carlo Bonini. Pour moi, cela représentait aussi l’opportunité de me confronter à un sujet très éloigné par rapport à mes films précédents, car j’ai l’habitude de rôles plus intimistes avec des questionnements sur des sujets plus proches de ma propre vie. Dans le cas de ce film, c’est une réalité extrême, la prison, la pègre, des gens qui ont commis des actions violentes, et donc pas justifiables, mais qui en même temps se rebellaient inconsciemment contre un mécanisme social inacceptable, j’ai trouvé tout ça très stimulant. Je savais que j’allais me confronter à un personnage qui n’était pas le mal absolu mais un homme plein de contradictions. Un homme à l’intérieur duquel deux âmes co-habitaient : Sa violence et sa gentillesse d’âme, une sensibilité, un caractère extraverti, ironique et auto-ironique. Tout ça fait en sorte qu’à mes yeux Vallanzasca est un personnage digne d’être raconté.

Il existe, d’après vous, des personnages qu’il ne faudrait pas « raconter » ?

Vallanzasca est un personnage emblématique. A lui sont liées des thématiques intéressantes. Cela dit, tout est digne d’être raconté. Il faut aborder certains sujets avec attention, avec des précautions. En Italie, on a parlé beaucoup d’une question « éthique » liée au film. D’après certains (des hommes politiques liés à la Ligue du nord NdR), il ne fallait pas consacrer un film à Vallanzasca.

Je faisais justement référence à la polémique que le film a provoquée en Italie.

Le film ne prend pas position. Il aborde le sujet sans préjugé, sans idée préconçue. Vallanzasca n’est pas le mal absolu et on peut lui consacrer un film où on le voit avec ses défauts mais aussi ses qualités, dans ses contradictions et ses absurdités. Et puis il y a la dimension personnelle. J’ai essayé de faire ressurgir tout ce que j’avais assimilé de cette histoire. J’ai servi de « passeur » entre lui et le spectateur.

Vous avez participé à l’écriture du scénario.

Oui.

C’est la question de l’humanisation et donc de la vision globale d’un personnage perçu généralement de façon schématique.

Chaque situation est différente. Moi, je me pose des problèmes éthiques. Je veux que mes personnages véhiculent des messages positifs dans une société tellement négative. Je crois que, tout en restant vigilants pour ne pas en faire l’apologie, Vallanzasca , avec toutes ses contradictions, incarnait des thèmes intéressants qui jetaient la lumière sur des maladies endémiques de certaines institutions. Comme, par exemple, la guerre entre les prisonniers et les gardiens de prison. Vallanzasca est le témoin de cette guerre absurde que l’Etat ne devrait pas permettre. Il en porte les traces sur son corps : Les dents toutes cassées, il n’entend plus d’une oreille, il a des points de suture un peu partout, des os brisés… Je ne veux pas en faire une victime mais on a le devoir de raconter tous les aspects. Il est vrai, comme le montre le film, que Vallanzasca a ôté la vie à des hommes de la police. Il s’agit de cadavres, de morts eux aussi inacceptables. C’est son histoire et c’est une histoire emblématique et importante.

Le film s’ouvre avec Vallanzasca en prison. Un symbole de Vallanzasca bandit comme produit de l’expérience carcérale ?

La prison est une école, sinon la plus importante école, de criminalité. C’est sûr. Mais ce n’est pas volontaire, il n’y a pas de message dans cette première séquence. Cela dit le film parle des sept, huit mois de folies dont Vallanzasca a été le protagoniste, de holds up à répétition, de kidnappings, de la guerre entre bandes dans une période où l’Italie était le Far West. Mais Vallanzasca, sur soixante ans de vie, en a passé quarante dans une cellule. Il était aussi naturel de commencer le film par la prison.

Et sa récente demande de grâce au président de la République à été refusée.

Elle a été refusée, oui. C’est le paradoxe de son existence. Son narcissisme et son égocentrisme lui ont toujours nui. Il a fortement voulu ce film mais ce film a eu aussi l’effet pervers de le replacer sous les projecteurs. Sa situation en prison était en train de s’améliorer, de s’assouplir après tant d’années. Il pouvait sortir. Maintenant son régime est redevenu très strict et sévère car, à la suite du film, on a recommencé à s’intéresser à lui et à ses crimes. Les parents des victimes ont protesté.

Il aurait dû essayer de se faire oublier.

Oui. Mais son narcissisme a pris le dessus. Il a voulu le film et les gens se sont souvenus de lui. Même dans le passé, son caractère lui a été préjudiciable, sinon on ne s’expliquerait pas pourquoi des gens qui ont fait bien pire que lui soient sortis de prison après seulement huit années de prison. Ils se sont tenus à carreau. Vallanzasca, en revanche, pour ne pas se plier et donc ne pas trahir ses principes et son image de gangster romantique, depuis quarante ans, est encore en taule.

Vous l’avez rencontré ?

Oui, car avant le film, son régime carcéral s’était assoupli et il pouvait sortir de prison. J’ai pu bien l’étudier, presque le vivisectionner.

Pour vous, Romain, l’accent milanais de Vallanzasca fut difficile à acquérir ?

Cela n’a pas été si simple. J’y ai beaucoup travaillé et à la fin, comme cela arrive souvent aux acteurs lorsqu’ils sont confrontés à des traits de caractère, ça se manifeste aussi dans le corps et ça devient une sorte de masque, derrière lequel on se sent un peu protégé.