Parti Démocrate

Publié le samedi, 13 février 2010 à 09h12

Triomphe de Vendola: vers le retour d'une participation populaire?

Par Marie Giudicelli

Le 24 janvier dernier ont eu lieu en Italie, dans la région des Pouilles, des élections primaires en vue des régionales, organisées par le PD ("Partito Democratico"), principal parti de Centre-Gauche. En ces temps plutôt moroses où la gauche italienne peine à contrer le gouvernement en place, il est un “mini-évènement” qui, s’il a fait la une de toute la presse italienne, n’a pas eu de véritable écho en France et il vaut pourtant très certainement la peine d’être signalé.
Je veux parler du résultat obtenu dans cette région par Nichi Vendola, le candidat sortant.
Brossons tout d’abord un rapide tableau de la situation: le candidat choisi par le PD pour le représenter dans les Pouilles aux élections régionales des 28 et 29 mars prochains est le jeune économiste Francesco Boccia. Du point de vue du PD, Il a l’énorme avantage de lui attirer les votes de l’UDC (“Unione Di Centro") de Pier Ferdinando Casini, puisque celui-ci lui a promis son soutien. Toutefois, Nichi Vendola (“Sinistra Ecologia Libertà”), actuel gouverneur de la région depuis 2005, insiste pour que soient instaurées des élections primaires.

Vendola est issu du PCI (“Partito Comunista Italiano”) dont il prendra ses distances en contribuant à la fondation du “Movimento per la rifondazione comunista” qui deviendra le “Partito Della Rifondazione Comunista” ou plus simplement “Rifondazione Comunista".
C’est en 2009, à l’occasion des Élections européennes, que Nichi Vendola fonde un nouveau parti “Sinistra Ecologia Libertà”, dont la lutte contre la pauvreté et la précarité, l’investissement dans le domaine de la culture, le développement des énergies renouvelables, sont parmi les principes fondamentaux.
C’est un homme cultivé, qui se veut à l’écoute des citoyens (et c’est probablement un des principaux motifs de sa récente victoire), et qui ne cache pas son homosexualité, fait particulièrement intéressant dans un pays comme l’Italie où le Vatican est omniprésent (pourtant, il se dit lui-même catholique).
Aux élections primaires du Centre-Gauche de 2005 en vue des régionales, on assistait déjà au même affrontement Vendola-Boccia. Et Vendola, de peu, l’emportait, alors qu’il était donné perdant.

Ce qui s’est passé lors des dernières élections primaires est particulièrement intéressant car c’est à une véritable mobilisation des citoyens en faveur de Vendola que l’on a assisté. Presque un plébiscite : 73% pour Vendola contre 27% pour Boccia. Ainsi, les électeurs ont clairement exprimé leur refus d’obéir aux alliances stratégiques de parti, aux tactiques politiques demeurant loin de leurs préoccupations, de leurs besoins. Ils ont donné leur voix à Nichi Vendola probablement parce qu’il a su les écouter et s’investir véritablement en vue d’une amélioration de leurs conditions de vie (notamment des jeunes, par le biais, entre autres, de la création de bourses d’étude, d’une bonne gestion des fonds européens… ), parce qu’il s’est montré capable de se battre pour les intérêts de sa région (en empêchant par exemple la privatisation de l’eau). Et cela en dépit du récent scandale de corruption qui a ébranlé la région, et au sujet duquel il a été soumis à une enquête.
Mais c’est peut-être justement là que Nichi Vendola a aussi gagné la confiance de ses concitoyens. En effet, d’une part, il n’a été absolument rien trouvé contre lui et d’autre part, revendiquant son désir d’une politique "propre", il a immédiatement éloigné certains membres de sa coalition lorsque ceux-ci se sont trouvés mis en cause par la justice.

Cette affaire est symptomatique dans le sens où elle illustre parfaitement le fossé qui semble exister entre le PD et ses électeurs et elle est loin d’être rassurante pour qui voudrait voir un PD fort, proche de ses électeurs et capable de vaincre le Centre-droit de Berlusconi et Fini.

Pourtant, loin de devenir le laboratoire d’une alliance PD-UDC, comme le souhaitait Massimo D’Alema (qui soutenait donc Francesco Boccia), figure importante du PD et notamment ex-président du Conseil, la région des Pouilles ne serait-elle pas devenue au contraire le laboratoire d’une nouvelle approche de la politique, basée sur les faits concrets et non plus sur une idéologie? En effet, n’est-on pas en face d’une sorte d’exception "pugliese" de vraie participation populaire, qui n’a que faire des grands mots, de la démagogie et du populisme ambiants, mais ne juge que sur les actions tangibles de ceux qui défendent véritablement leurs intérêts? Par ailleurs, n’est-il pas intéressant de constater que les électeurs, en votant en masse pour le candidat sortant, ont aussi élu un homme appartenant à la minorité gay, démontrant ainsi leur capacité à aller au-delà des préjugés qui persistent encore fortement contre les homosexuels en Italie? Et ceci est d'autant plus remarquable qu'il s'agit d'une région à tendance plutôt conservatrice.

La victoire de Vendola pourrait donc représenter un tournant, une sorte de paradigme pour la politique italienne, et par-là même un espoir pour tous ces italiens qui souffrent de voir leur pays dans des mains malhonnêtes, loin de leur faire honneur sur la scène internationale, et dont les dirigeants s’avèrent généralement incapables de faire preuve d’écoute et de mettre en place des actions concrètes en vue de l’amélioration des conditions de vie.