Dans les petits plats des grands

Publié le jeudi, 30 septembre 2010 à 22h13

Rossini « Tournedos » à la musique pour la cuisine (2ème partie)

Par Valérie Quezada De Talavera

rossini3.jpg Notre dilettant des cuisines quitte Paris pour Bologne en 1836 pour diriger le conservatoire de musique, l’enseignement après la création, sauf aux fourneaux où il expérimente de nouveaux mets en s’inspirant du cuisinier de Charles-Albert de Sardaigne. Sa compagne écrit : le maestro et moi, nous vivons pour manger c’est le seul plaisir qu’il lui reste »__ Six ans plus tard, Rossini avoue : « Je cherche des motifs mais ne me viennent à l’esprit que pâtés et truffes… » Cela durera 25 ans, mis à part un très beau Stabat mater.

Une retraite passée à rédiger des pages et des pages de correspondance qui forment un hymne à la gourmandise, qui bat son plein de remerciements et de commandes: il chante les louanges d’un épicier de Modène, met en musique ses remerciement à la réception d’un Gorgonzola, félicite le compositeur Lavignac pour ses sardines, un éditeur pour son Panettone, le ténor Donzelli pour ses Tortellini… Malgré tous ces plaisirs, la maladie ne passe pas et sa femme décide de retourner dans une France redevenue entre-temps impériale.

« Péchés (gourmands) de vieillesse »

L’installation en 1855 du couple, réussit à l’artiste qui remet le couvert avec les bientôt très courus « Samedis musicaux », véritables ateliers des sens, de l’entrée servie à l’ouverture lyric. Il retrouve aussi son rond de serviette chez son ami le baron Rothschild, ainsi que l’amitié d’Antonin Carême, son maître queue, qui affirme que Rossini est le seul à vraiment comprendre sa cuisine. Ils composeront de concert quelques recettes dont de nombreuses, à base de truffe, l’aliment préféré du maître, comme la célèbre salade Rossini ou, dit-on, le fameux Tournedos Rossini. Quoique… Une autre version qui passe au restaurant « La maison Dorée », circule sur l’invention de ce plat mythique. Il Maestro s’agace, à la lecture du menu, de ne rien trouver de nouveau. Il part en cuisine comme à son habitude et demande au chef Moisson de lui concocter quelque chose d’original : une pièce de viande surmontée de foie gras et de truffes, le tout accompagné d’une sauce à l’essence de ce caviar des champignons ! Aussitôt, la recette est saisie sur le vif par les deux chefs, mais confectionnée le dos tourné pour en garder tous les secrets de fabrication.

Rossini, après avoir fait table rase d’un passée sous les feux de la rampe, peut tranquillement savourer ses « Pêchés de vieillesse », courtes pièces musicales d’aspect frugal, mais riches en subtilités intitulées: « Ouf, les petits pois », « Hachis romantique », « Petites valse à l’huile de ricin », « Hors-d’œuvre : cornichons, anchois, radis… », « Mendiants : figues, noisettes, amandes… ». Au cours des années qui suivent, la maison du 2 rue Chaussée d’Antin est le petit théâtre des plaisirs de Rossini et le passage obligé des artistes ou admirateurs séjournant dans la capitale, si l’on veut être reçu dans le salon de soierie rouge et la salle à manger dressée de percaline verte. On joue à guichet fermés ces nouvelles petites compositions, sortes de mignardises musicales non moins talentueuses qu’audacieuses. Aux beaux jours, on part en campagne à Passy, jolie maison où le jardin secret du maestro est… un potager qui n’a rien d’un décor de scène, on y produit fruits et légumes en abondance.

C’est sur une dernière note d’esprit qu’il crée en 1863 la « Petite Messe solennelle » de chambre, ou plutôt de salon, dans laquelle …on sert un repas ! Pour cette musique religieuse, il choisi celui de la Cène où douze chanteurs seulement sont conviés à ce dîner d’adieu entre amis… sans Judas!.

Le 13 novembre 1868, Rossini quitte la table et la scène, après avoir commis son excellent « Dernier pêché mortel, de vieillesse ».