Editopolis

Publié le jeudi, 15 octobre 2009 à 04h04

Le tournant

Par Vito Vespucci

La négociation secrète qui a vraisemblablement couté la vie à Paolo Borsellino (et à Falcone?)?

Voilà des années qu'on en parle, que les éléments à charge s'accumulent contre... l'Etat italien.

Une négociation secrète eu donc bien lieu entre l'Etat italien et Cosa Nostra. Et elle aurait bien commencé pendant les 57 jours qui séparèrent les assassinats des deux juges antimafia devenus héros: Giovanni Falcone, le 23 mai 1992, et Paolo Borsellino, le 19 juillet 1992. sans oublier leurs escortes fauchées elles-aussi par les bombes, et d'autres héros, d'autres juges et d'autres anonymes.

Si on pense connaitre les "détails" autour du meurtre de Falcone (qui a actionné le détonateur, où quand et comment), c'est autour de Borsellino que depuis des années les pires doutes s'accumulent.

Son agenda rouge, contenant tous les secrets de ses enquêtes, tous les noms des protagonistes, fut prévelé par un carabinier dans sa mallette quelques minutes après l'attentat, alors qu'"on marchait sur des restes humains" dans la zone, que les voitures brulaient encore.
Le ministre de l'Intérieur Nicola Mancino qui ne se souvient plus de l'avoir rencontré le 1er juillet 1992, sans exclure toutefois avoir pu lui serrer la main... car il ne le "connaissait pas physiquement". Ce juge que toute l'Italie savait être le prochain à mourir après Falcone. On imagine depuis que la discussion tourna autour d'un violent refus de Borsellino à négocier avec la criminalité organisée.

Borsellino savait qu'il était déjà mort. Il s'était aussi su "trahi" par un ami peu avant (on ne sait par qui), et avait même appris que le matériel explosif destiné à le tuer était "bien arrivé".

La rue d'Amelio à Palerme où il se rendait régulièrement pour s'occuper de sa mère ne bénéficiait d'aucunes mesures de protection particulière, pas même l'interdiction de parking, en pleine époque des attentats à la voiture piégée.

Puis ce fut au tour de Gioacchino Genchi * l'un de ses collaborateurs, petit génie informatique, d'enquêter et d'en parler: l'attentat selon-lui n'avait pu être perpétrer que depuis un emplacement occupé à cette époque... par les services secrets italiens (Sisde), au chateau d'Utveggio.

Le "papello" de Toto Riina, le boss des boss de Cosa Nostra, capturé en 1993 et n'ayant ouvert la bouche que très récemment pour laisser entendre que c'était l'État qui avait tué Borsellino et pas lui: le "papello" est enfin arrivé dans les mains de la Justice.

Evidemment Berlusconi sera de la fête. Non seulement on le soupçonne d'avoir été financé par Cosa nostra à ses débuts, non seulement son père avait Riina et son successeur Provenzano comme clients à la banque Rasini (Milan), non seulement il hébergea dans les années 70 l'"homme d'honneur" Vittorio Mangano, "à casa sua", chez lui à Arcore (et, avec Dell'Utri ils le définirent plus tard un « héros »), non seulement Marcello Dell'Utri est en procès d'appel à Palerme (déjà condamné à 9 ans en remière instance pour assocation mafieuse, "externe"..), non seulement Dell'Utri est le fondateur de Forza Italia et est très fortement soupçonné d'avoir été l'homme de liaison entre Cosa nostra et le monde politique (en remplaçant Salvo Lima, député de la Democrazia Cristiana assassiné par la mafia début 1992 à cause des retombées du maxi-procès).. Non seulement...

Ce serait Massimo Ciancimino, le plus jeune fils de Vito Ciancimino, ex-maire de Palerme, collègue de parti de Lima et "membre actif de Cosa nostra", qui aurait livré ou mené les enquêteurs au "papello".

TANGENTOPOLI, qui avait suivi de peu la "saison des bombes mafieuses" (1993) sera un doux souvenir lorsque cette affaire aura finalement déclenché le grand "polverone", l'OURAGAN POLITIQUE qu'elle est destinée à à créer.

Ce sera l'occasion de comprendre aussi finalement qui a volé, ou récupéré, l'agenda de Paolo Borsellino, et fait chanter avec son contenu la classe politique italienne depuis 17 ans.

   vV


* Genchi a un livre prêt, en sortie imminente. Il disait attendre le résultat du verdict de la cour Constitutionnelle envers le Lodo Alfano. On peut imaginer ce soir que l'arrivée du papello peut être aussi liée au retard de sa publication.

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