Interviews

Publié le lundi, 12 novembre 2012 à 08h46

Entretien avec Ginevra Bompiani sur son dernier roman, La Station Thermale

Par Stefano Palombari

Ginevra BompianiGinevra Bompiani écrivaine, éditrice et enseignante de littérature anglaise de passage à Paris pour la promotion de son court roman La Station thermale aux éditions Liana Levi, nous a accordé cette interview.

Pourquoi situer cette histoire dans une station thermale ?

Après avoir été dans une station thermale, celle que j’ai décrite dans le roman et les personnages ont trouvé leur collocation, leur environnement. Et pas que les personnages, l’histoire surtout a trouvé sa « maison ».

Une station thermale aussi car absolument séparée et « autonome » par rapport au monde extérieur ?

Oui, surtout que ce n’est pas une simple station thermale. C’est une station thermale à l’intérieur d’un village qui est à lui-même une station thermale. C’est une sorte de cocon séparé du temps et de l’espace quotidien, normal. D’ailleurs les stations thermales sont des lieux littéraires très fréquentés.

La nourriture y est vraiment si mauvaise ?

La description de la station est très fidèle, tout le reste est totalement imaginaire. Les personnages, les faits… des personnages imaginaires dans un lieu réel.

Lucy est un enfant adopté…

L’adoption symbolise une coupure dans les rapports affectifs, une coupure originelle. Perte de sa famille naturelle avec les souvenirs et les émotions qui y étaient liés. Elle s’est retrouvée dans un milieu totalement différent où elle a dû tout recréer. Il s’agit d’une petite fracture originelle des êtres chers tout à fait compréhensible pour les enfants adoptés mais, somme toute, assez commune à tous les enfants.

C’est pour cela que vous avez choisi une tante pour l’accompagner dans la station thermale ?

Exactement pour la même raison. Lucy est une petite fille qui n’a pas des rapports fantastiques avec ses parents adoptifs…

Avec la tante non plus les rapports ne sont pas exceptionnels…

Tout à fait. Cela s’inscrit dans la même logique. Par ailleurs quasiment tous les personnages, trois sur quatre, ont des difficultés avec les rapports affectifs. Ils n’ont pas une « immédiateté affective ».

Lucy et Lucia, même prénom, synonyme d’affinités ?

Bien sûr, elles se reconnaissent l’une dans l’autre. Surtout Lucia dans la petite fille…

Les souffrances les réunissent…

Oui, tout à fait. Surtout par rapport à Giuseppina, qui affronte les adversités avec courage et énergie.
Sinon, pour revenir au théâtre de ces rencontres, j’aimerais souligner que le rapport entre l’histoire et la station thermale est très important. Un lieu fermé dans un temps et un espace propres dans lequel les rapports se transforment et se recréent permettant une réflexion nouvelle et différente sur soi-même.
Mais c’est aussi un lieu assez ambigu, à cause de cette fiction de la naturalité où des gens un peu âgés ou un peu en chair, essayent de repartir, physiquement et moralement. De devenir à nouveau désirables. Tout ça semble être possible avec des méthodes totalement naturelles, en buvant des eaux thermales, en prenant des bains chauds, avec des massages…
Mais c’est totalement faux. On sait bien que pour pouvoir vraiment intervenir sur l’aspect physique il faut des instruments plus agressifs, comme la chirurgie. L’ambiguïté de la station thermale est fondamentale car c’est un lieu qui crée une illusion qu’il démentit lui-même.

La station thermale est une sorte de gynécée ?

Non, il y a des hommes même si les femmes sont nettement majoritaires. Dans mon roman, la présence masculine est laissée volontairement à l’extérieur. Les hommes sont évoqués mais mis à part Stefano, le petit amis de Lucia, les autres ne sont jamais présents.

Ils ne sont pas les exemples les plus flatteurs de la gente masculine…

Ça dépend. Le fiancé de Giuseppina n’est pas mauvais....

Oui, mais on ne sait pas grand-chose de lui. Vous vous focalisez surtout sur les méchants.

Oui, en effet, ils ne sont pas des personnages positifs.