Dans les petits plats des grands

Publié le mercredi, 22 décembre 2010 à 17h51

BONAPARTE : Un français dans les pâtes de l’Italie ( Seconde partie)

Par Valérie Quezada De Talavera

Quand des Italiens deviennent françaisNapoleon_3.jpg

L’entré dans le siècle « sera Italien ou ne sera pas » si on en juge les victoires de Napoleone pour reconquérir l’Italie du Nord, Mai : franchissement des Alpes, Juin : Milan devient français, victoire de Montbello et Marengo, naissance de la République Cisalpine. Après ce brillant tableau on est navré de constater que les exploits de palais du grand homme se résument à la passion des lentilles, de la poitrine de mouton, du manche de gigot et ... des pâtes, le tout clos en 20 minutes, mains essuyées dans la nappe sans plus de manières. Natif d’une Corse encore Génoise un an avant ça naissance, on imagine les menus du petit Nabulione, comme le surnommait sa maman, composés essentiellement de pasta. Hasard ou pas, c’est curieusement à partir du directoire qu’elles trouvent de plus en plus leur place dans les menus bourgeois. Quand Bonaparte reçoit au Tuileries, les invités prennent soins de venir le ventre au préalable garni, car à la table impériale on mange, boit, mais peu et vite des mets guère plus prétentieux qu’un plat de pâtes.

Quand des estomacs français deviennent italiens

En ce début de XIXème les pâtes sont encore un aliment réservé à certaines tables françaises, pourtant on trouve des productions en Provence et à Paris de façon semi industrielle. Depuis Diderot c’est l’époque des encyclopédies, dans l’une d’elle il existence un volume consacré aux méthodes industrielles de fabrication des arts du meunier (pain) et vermicellier (sorte de spaghettis) édité plusieurs fois depuis 1767 par Paul Jacques Malouin. Un boulanger se mêlant de pâtes, ça peut paraître un peu décalé, alors imaginez un médecin chimiste membre de l’académie des sciences appartenant à la cour, écrire tout un traité, planches de dessins techniques comprises, sur incontournable trio de la cuisine italienne: vermicelle, macaroni, lasagne.

Quand les pâtes deviennent françaises

Elles sont un succès en Provence et montent progressivement à Paris pour conquérir tout les appétits, comme le prouve les écrits de Grimod de la Reynière dans « l’Almanach des gourmands » de 1806 « Depuis que les pâtes ont pris faveur même dans la classe la moins aisée des consommateurs … » « comme la consommation s’en est accrue depuis plusieurs années, les fabriques s’en sont multipliées » « … et l’on est parvenue à fabriquer ces pâtes à Paris tout aussi bien qu’en Italie… » On en produit partout en France mais ce sera l' Auvergne qui passera maître aussi bien en matière de pâtes persillées que des pâtes fraîches, au point d’en être le plus gros fournisseur à partir de 1819.

Mais comment mange-t-on les pâtes Napoléonienne ? bien cuites et molles s’il vous plait ! On les sert principalement en potage généreusement trempées ou accompagnées de jus de viandes et indispensablement recouvertes d’un mélange de gruyère et de parmesan comme le conseille Grimod «… le fromage, surtout le parmesan communique aux vermicelles un excellent goût…on dirait que tous deux nés dans le même pays ils aiment à se retrouver ensemble » Il sera le premier à préconiser la sauce tomates adopté des années plus tard seulement !.

Entre français et italiens l’histoire des échanges culturels se joue sur le rythme d’un allegretto aller/retour… Qui fut le premier à s’inscrire dans l’ère de l’industrie alimentaire ? Les français ! Qui eut cru en « Lustucru » quand un couple de français ouvrent une fabrique de pâtes Grenobloise en 1871 toujours célèbre plus d'un siècle après? ma… peut-être Pietro Barilla qui attendit 6 ans pour en faire autant à Parme.