Cosa succede in città

Publié le mercredi, 26 septembre 2018 à 07h23

Là où l’Etat fait défaut arrive le cinéma

Par Graziana Lucarelli

Terminé il y a presque deux semaines, le festival de Venise continue de faire parler de soi, ou tout au moins, c’est un des films qui y ont été présentés à être encore au centre du débat. Il s’agit bien d’un film, même si certain.e.s le considèrent plutôt comme un documentaire. L’intrigue retrace fidèlement les sept derniers jours de vie de Stefano Cucchi. Les spectateur.rice.s n’ont droit à aucune trace de suspense : la mort de Stefano est apprise dès la première scène du film. A vrai dire, peu sont les italien.ne.s à ne pas connaitre l’histoire de ce romain qui, un soir de 2009, a été arrêté par la police étant accusé de trafic de drogue et qui n’est jamais sorti de prison.

Or, le réalisateur Alessio Cremonini est parti de ce constat : la fin de l’histoire, tout le monde la connait. Du coup, il s’est intéressé plutôt au processus, au chemin, aux étapes qui, les unes après les autres, ont mené à cette mort qui peut, d’une certaine manière, paraitre inexplicable. Stefano a subi des violences qui l’ont atteint au visage, aux jambes, au ventre, à la poitrine. Cela semble être indéniable. Si la connaissance de ces faits engendre un sentiment de colère chez les spectateur.rice.s, le réalisateur a fait tout son possible pour ne pas alimenter ce sentiment, et en même temps pour ne pas assouvir une tendance voyeuriste : la scène du tabassage, de faites, n’est pas filmée. Par contre, le film nous laisse plein de questions irrésolues : quelles sont les vraies causes de la mort de Stefano ? Les médecins auraient-illes pu le soigner plus de ce qu’illes ne l’ont fait ? S’illes n’ont pas fait plus c’est qu’illes étaient complices des policiers ?

Ces questions restent sans réponses, étant donné que les enquêtes ne sont pas encore arrivées à termes. En attendant que justice soit faite, Sulla mia pelle raconte un compte à rebours vers la mort, une via crucis comme l’appellent certain.e.s, une morte extrêmement physique, corporelle, difficile à raconter à cause de l’attitude ambiguë, introvertie, parfois indéchiffrable de Stefano, mais aussi de la très importante attention médiatique dont cette affaire a fait l’objet, notamment grâce à la détermination de la sœur du protagoniste, Ilaria Cucchi. Avec Carlo Giuliani et Federico Aldrovandi, morts respectivement en 2001 et en 2005 de la main des forces de l’ordre, Stefano Cucchi est effectivement devenu une parmi les figures emblématiques victimes des violences policières en Italie.

Tel est l’engouement autour de cette affaire que la projection du film a fait débat. Le 12 septembre le film est sorti en même temps dans des salles de cinéma et sur Netflix. Parallèlement, un bon nombre d’organismes (pour la plupart des espaces autogérés) ont proposé des projections gratuites (et non autorisées) qui ont eu un énorme succès : 2000 personnes à Rome, plus de 1000 à Milan. Si Ilaria Cucchi est semblée ravie par cet enthousiasme, Alessio Cremonini est intervenu publiquement en soulignant l’importance pour des films comme Sulla mia pelle, racontant des histoires d’intérêt collectif, de se légitimer par des recettes significatives.

Si vous n’êtes pas abboné.e.s à Netflix et que vous habitez à Paris, ne perdez pas l’occasion de voir Sulla mia pelle dimanche 30 septembre prochain. Le film sera projeté chez l’ANPI, au 20 rue Vinaigries dans le 10ème arrondissement à 17h30, à la suite du rassemblement Intolleranza Zero qui se tiendra sur la Place de la République : cliquez ici pour plus de détails.