Cosa succede in città

Publié le mercredi, 14 mars 2018 à 07h33

Quel destin pour la musique à la télé ?

Par Graziana Lucarelli

Ce n’est pas la première fois que dans Cosa succede in città on aborde la question de la place que la musique occupe au sein de la télévision italienne : on a parlé, bien évidemment, du Festival de Sanremo (comment ne pas en parler ?), on a parlé du genre de musiciens qui n’ont pas l’habitude d’y participer, on vous a présenté l’émission Stasera Casa Mika qui a lancé Mika en tant qu’animateur télé et on a évoqué sa participation au jury du télé-crochet X Factor (la Nouvelle Star italienne…) et on a également apprécié l’émission Laura e Paola, où la star mondiale Laura Pausini et la comédienne Paola Cortellesi ont fait rire, pleurer parfois, mais surtout chanter le public italien.

Vous vous en rendez bien compte : la musique, notamment la musique live, ne semble pas manquer dans la programmation de la télévision italienne. Quelques amis français ont l’impression qu’elle tient une place beaucoup plus importante qu’en France. Sans rentrer dans la comparaison, il est tout de même intéressant de se demander quels sont les genres musicaux et la typologie d’artistes qui arrivent à franchir la porte de la reconnaissance qui, encore aujourd’hui, passe par le fait de s’afficher à la télé. 

Si je devais utiliser une seule expression pour décrire l’ensemble de la musique et des musiciens qui arrivent à gagner cette place, j’utiliserais probablement le mot italien nazional-popolari. Si Gramsci lui a attribué un sens positif, l’usage courant a transformé ce concept en le liant à tout ce qui représente les stéréotypes et les aspects les plus superficiels du goût et de la présumée identité d’un pays. Du coup, si on tient pour bonne ma théorie, la musique qui accède à la visibilité propre à la télévision est celle qui est en phase avec les stéréotypes qui caractérisent l’Italie : une musique « sympathique » et « souriante », qui ne dérange pas, qui passe comme une lettre à poste.

Depuis le 23 février dernier, les jeudis soir de Rai 3 se terminent avec Ossigeno, une émission animée par un musicien qui n’est pas de ceux qui rentrent facilement dans le moule imposé par la société. Il porte les cheveux longs, ne sourit pas trop et s’appelle Manuel Agnelli. Depuis les années 80, il est le leader de Afterhours, un groupe qui a marqué l’histoire du rock italien. On avait déjà parlé d’eux l’année dernière, quand on avait interviewé le violoniste du groupe lors de leur passage à Paris. Ici vous pouvez relire l'interview.

Du coup, qu’est-ce que c’est que Ossigeno ? Pour ne pas vous gâcher la surprise et vous laisser découvrir ici, je vais juste vous citer la présentation avec laquelle Manuel a ouvert la première émission :

"La culture est politique. Elle est politique quand elle fait passer des idées et quand elle prend position. Elle est politique quand elle aide la réflexion et nous aide à avoir les idées plus claires et à prendre position. Elle est politique, tout simplement, quand elle raconte. Elle raconte ce qui se passe et, ainsi, elle fait de l’information. L’artiste et le musicien font de l’information. Ils sont des mégaphones."

On peut aimer ou ne pas aimer Manuel Agnelli et son émission, mais on ne peut, sans aucun doute, le traiter de nazional-popolare. Et alors comment est-ce que quelqu’un si loin des codes imposés a-t-il pu se faire une place au sein de la télévision italienne ? Simple ! Il est passé par la case « se conformer un petit peu (mais pas trop) et accepter de participer dans le jury de X Factor », pour ensuite acquérir une notoriété au sein du grand public, et enfin porter à la télé la musique comme il l’entend. A-t-il eu raison ? A-t-il eu tort ? Un bon nombre de fans lui en a voulu et l’a qualifié de traitre. À vous de juger jusqu’où on peut aller pour défendre nos idées...