Interviews

Publié le jeudi, 26 octobre 2017 à 15h09

Interview de Marco Vichi

Par Deborah D'Aietti

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Nous avons rencontré l'écrivain florentin Marco Vichi au mois d'Octobre 2017, pour discuter de son dernier roman Mort à Florence. Il est l'auteur, entre autre d'une série de polars dont le protagoniste est le Commissaire Bordelli. Voici quelques extraits de notre entretien :

C’est le troisième roman du Commissaire Bordelli qui est traduit en France et qui est Mort à Florence. Le commissaire est un homme dans sa vie privée qui est un peu mélancolique mais qui se défend avec ironie. Il a un grand sens de la justice, très personnel, et qui s’oppose parfois à la loi. Sur ses amitiés, il ne choisit pas ses amis, mais des paramètres comme l’humanité le dirigent vers certaines personnes. Le commissaire sait reconnaitre en chacun une certaine humanité, peu importe ce qu’ils aient fait : parmi ses amis, on a une ancienne prostituée, un ancien voleur, Ennio Botta Bottarini, dit « Botta », puisqu’à Florence, on coupe souvent les noms de famille.

La précision que je tiens à faire est qu’en fait, je n’écris pas surtout sur le commissaire Bordelli, mais plutôt le contraire. J’écris beaucoup de romans, de récits qui n’ont rien à voir avec le polar, avec les romans noirs, et puis il y a cette série du commissaire auquel je suis très attaché parce que ces romans me donnent l’occasion de reconstruire le monde des années 60, qui est l’époque de mon enfance. En réalité, je ne suis pas un grand passionné des polars en général.

Ce qui m’intéresse dans le roman noir, c’est tout ce qui éclate autour, comme l’a fait l’écrivain qui m’a donné envie d’écrire des romans noirs, Friedrich Dürrenmatt, écrivain suisse exceptionnel qui m’a fait voir comment on pouvait faire des enquêtes humaines, plutôt que des enquêtes policières. Comme Dostoïevski l’a fait, le premier de tous, dans Crime et Châtiment, qui a tous les ingrédients d’un roman noir, d’un policier et en réalité c’est un chef d’œuvre de psychologie, d’enquête humaine. Voilà ce qui m’intéresse. Le crime, que Dostoïevski a utilisé aussi d’autres fois est pour lui une façon de creuser en l’homme, de chercher dans son for intérieur et c’est cela qui m’intéresse.

Pendant l’histoire, sans trop en raconter, il y a cet enfant (Giacomo Pelissari) qui disparait et qui est retrouvé mort ensuite très vite dans le livre. Autour de cette terrible histoire, il y a d’autres morts et surtout il y a les inondations de Florence, qui fut la tragédie de Florence la plus marquante du XXème siècle pour la ville. 4 novembre 1966. L’Arno déborde et transforme la ville en Venise. Dans certains quartiers, l’eau est arrivée à 6,5 mètres et durant un jour, les personnes sortaient pour porter secours en utilisant des bateaux et des canots, comme si elles étaient à Venise, seulement, ce n’était pas de l’eau mais de la boue. De la boue, pleine de résidus, de gazole, de kérosène. L’odeur qui est restée quand l’eau est partie était terrible. Pendant des mois, cette odeur affreuse est restée.

Les années 60 sont peu racontées dans les romans. Mais ce n’est pas pour cela que je l’ai fait. Quand j’ai commencé à écrire sur le commissaire les toutes premières pages, je ne savais pas qu’elles se dérouleraient dans les années 60. Je n’y avais pas pensé. Après quelques pages, le commissaire est monté dans une Coccinelle, et donc nous sommes dans les années 60, cela m’a projeté directement dans cette époque. Et là, je me suis dit à quel point il serait beau de raconter les années 60. Je suis content d’avoir la possibilité de reconstruire ces années, qui est aussi très important, mais la passion que j’ai éprouvée tout de suite dans l’étude de cette période, m’a fait dépasser tous ces problèmes : documentation, lectures, recherches…

Retrouvez l'interview intégrale dans la vidéo ci-dessous