Publié le mercredi, 4 novembre 2009 à 18h14
Négationnisme à l’Université La Sapienza
Pour lui l’holocauste est une « légende » sur laquelle n’existe que « la vérité officielle, sans vérification historique contradictoire », une « légende », « utilisée pour culpabiliser les peuples vaincus ». Quant à l’existence des chambres à gaz, c’est une de ces nombreuses « vérités » qui sont à « vérifier ».
Lui, c’est Antonio Caracciolo, un professeur et chercheur en
philosophie du droit à la célèbre Université La Sapienza de Rome et
c’est sur un de ses nombreux blogs (il se vante d’en avoir 33),
découverts par la Repubblica qu’il tient ces infects propos.
Contacté par un journaliste, Caracciolo, qui, en plus de ses activités d’enseignant coordonne les clubs Forza Italia à Reggio Calabria, ne dément pas et même, enfonce le clou, revendiquant « le droit pour les négationnistes de pouvoir exprimer leurs idées sans finir en prison ».
Propos similaires à ceux tenus régulièrement et avec acharnement par Robert Faurisson, que, sans surprise, Caracciolo a défendu à plusieurs reprises.
Tristement semblables aussi aux
déclarations du très peu recommandable évêque Richard Williamson, celui
qui a nié l’existence des chambres à gaz en expliquant que : « Le
chiffre de 6 millions de juifs est une exagération médiatique. Les
allemands dans un complexe de culpabilité n’ont pas corrigé
l’estimation. Je ne crois pas que 6 millions aient été tués, je crois
que 300 000 sont morts dans des camps de concentration. Pas un seul n’a
été tué dans les chambres à gaz. Je ne crois pas à l’existence des
chambre à gaz » et qui, en janvier dernier a été réhabilité par le pape.
Il y a quelques jours, le 27 octobre, la justice allemande s’est, par
contre et heureusement, montrée nettement moins arrangeante,
condamnant l’évêque Bishop Richard Williamson à 12 000 euros d’amende
pour avoir publiquement nié la Shoah.
En Italie de vives réactions
ont suivi la parution de l’article de la Repubblica. Le recteur de
l’Université a suggéré à Caracciolo de se rendre à Dachau et la
communauté juive romaine a annoncé une action légale contre le
professeur.
Alemano, le maire de Rome, homme de droite, passé de l’AN au PdL et qui
dimanche s’est rendu à Auschwitz dans le cadre du Voyage de la mémoire,
a demandé que des sanctions soient prises contre le professeur.
« J’agirai
avec le recteur afin que le professeur soit suspendu. (…) J’ai aussi lu
qu’il était inscrit à un club de Forza Italia. Nous le vérifierons. (…)
Soit le professeur est de mauvaise foi, soit il n’a aucune base
culturelle ».
Parmi les réactions, celle de Nicola
Zingaretti, président de la « Provincia di Roma », me semble
particulièrement intéressante:
« La nouvelle apparue sur la
Repubblica d’aujourd’hui est la dramatique confirmation de quelque
chose que nous disons depuis longtemps : notre mission est d’éviter que
la mémoire devienne histoire et que la force que doit avoir la
compréhension des faits historiques se perde. Ce qui me préoccupe le
plus, est qu’il y a beaucoup de cas de négationnisme qui ne sont pas
affirmés avec cette impudeur mais qui vivent dans l’ambigüité de
positions incohérentes et finalement, c’est pire ».
Tant il est vrai que le négationnisme se répand et ne manque pas de supporters, comme, par exemple, le Français Serge Thion .
Serge Thion: « La meute est lâchée »
« La
presse italienne se déchaîne, depuis le 22 octobre dernier, contre un
nouveau bouc émissaire. Le professeur Antonio Caracciolo enseigne la
philosophie du droit à l’université romaine La Sapienza. En dehors de
son enseignement et de ses traductions — c’est un spécialiste du
philosophe allemand Carl Schmitt — il rédige toutes sortes d’articles
pour une trentaine de blogs. Il reste très proche de ses racines
calabraises et s’engage en politique dans le mouvement dirigé par
Berlusconi. Ses idées sont donc connues depuis longtemps; c’est un
penseur de droite, marginal mais actif dans les mondes universitaires,
politiques et intellectuels.
Il a noté depuis longtemps que les révisionnistes de l’Holocauste sont presque partout réprimés alors que les questions qu’ils ont posées restent sans réponse. Il précise qu’il n’est lui-même ni historien ni révisionniste, mais que les principes de la démocratie politique voudraient qu’ils puissent s’exprimer, et être réfutés. Il est régulièrement dénoncé dans certaines publications de la communauté juive italienne comme révisionniste et antisémite. Tout cela serait de l’ordre de la routine dans les querelles qui animent la vie romaine si, brusquement, le « cas Caracciolo“, n’avait été mis en épingle dans deux articles de La Repubblica.
Il y est dénoncé, violemment, comme
un négateur de l’Holocauste, un corrupteur de la jeunesse, un faux
professeur qui doit être chassé de son poste dans les plus brefs
délais. »
Anna Foa, professeur d’histoire à l’Université de Rome « La Sapienza » définit ainsi le négationnisme :
«
Le négationnisme à propos de la Shoah n’est ni une interprétation
d’historien, ni un courant d’interprétation de l’extermination des
juifs perpétrée par le nazisme, ni une forme même radicale du
révisionnisme historique, avec lequel il ne faut pas le confondre. Le
négationnisme est un mensonge qui se couvre du voile de l’histoire, qui
prend une apparence scientifique, objective, pour cacher sa véritable
origine, son véritable mobile: l’antisémitisme.
Un négationniste est également antisémite. Peut-être le seul antisémite explicite et manifeste, dans un monde comme le monde occidental où se dire antisémite n’est pas si facile.
C’est la haine envers les juifs qui est à l’origine de cette négation de la Shoah, née dès les premières années de l’après-guerre et qui se rattache parfaitement au projet même des nazis quand ils cachaient les traces des camps d’extermination, en rasaient les chambres à gaz et se moquaient des déportés en leur disant que, même s’ils parvenaient à survivre, personne au monde ne les croirait.
Le négationnisme traverse les clivages politiques, il n’est pas lié qu’à l’extrême droite nazie mais réunit différentes tendances: le pacifisme le plus extrême, l’anti-américanisme, l’hostilité envers la modernité. »
Face à l’adversité, Caracciolo, sans surprise, la technique est éprouvée, se pose en victime, défenseur de la liberté :
« J’ai
subi des menaces, j’ai reçu des insultes, mais ça ne m’intéresse pas.
Je continue : je suis prêt à discuter avec n’importe qui. (…) A qui me
dit que je suis antisémite, je réponds que je n’ai jamais compris le
sens de ce mot ».
Et encore : « Je suis un chercheur et
j’ai l’obligation et le droit de chercher. » Il parle d’une attaque de
sionistes, « adversaires de l’information correcte » et pour qui « il faut toujours soutenir Israël ».
Lui, par contre, prétend enseigner le « raisonnement » à ses étudiants.
Pour ce faire, cette année, il leur fera étudier les écrits de Carl Schmitt, juriste et philosophe allemand, considéré comme un penseur du nazisme et dont il est un traducteur.
Carl Schmitt, le « Mephisto de la période pré-hitlérienne » (Karl Löwenstein), l’homme qui en 1933 écrivait : « Les
nouvelles dispositions sur les fonctionnaires, les médecins et les
avocats purifient la vie publique de tous les éléments étrangers non
aryens. Les nouvelles règlementations sur l’accès à l’école et la
constitution d’une communauté d’étudiants de souche allemande
garantissent enfin l’unité ethnique des populations de sang allemand.
Une nouvelle réglementation des professions suivra. Dans ce processus
de croissance, vaste et profond, intérieur et, j’ajouterais, intime,
aucun être de nature étrangère ne doit pouvoir s’immiscer. Même s’il
n’a que de bonnes intentions, il nous dérange de manière dommageable et
dangereuse. Nous réapprenons à distinguer. Surtout, nous réapprenons à
distinguer correctement l’ami de l’ennemi » (Westdeutscher Beobachter, 12 mai 1933)
En 1936 :
« Il faut que nous libérions l’esprit allemand de toutes les déviations juives » (Le judaïsme dans la science juridique, 1936)
« Nous
avons alors pris pleinement conscience que le Juif est improductif et
stérile pour l’esprit allemand. Il n’a rien à nous dire, quand bien
même il serait en mesure de combiner avec finesse ou d’assimiler
rapidement » (DJZ, 1936).
Et en 1947
« Lorsque Dieu
permit que des centaines de milliers de Juifs fussent tués, il voyait
déjà en même temps la vengeance qu’ils exerceraient sur l’Allemagne… » (Glossarium, 19 novembre 1947).
«
Car les Juifs demeurent juifs. Alors que le communiste peut s’améliorer
et changer. Cela n’a rien à voir avec la race nordique, etc. C’est
justement le Juif assimilé qui est le véritable ennemi » (Glossarium, 25 septembre 1947).
Distinguer l’ami de l’ennemi pour mieux pouvoir l’exterminer, les thèses de Carl Schmitt courent toujours. Elles avancent dans l’ombre, masquées, changeant parfois sournoisement la religion des victimes expiatoires désignées.
Bruta storia !
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