Interviews

Publié le mardi, 5 août 2008 à 17h18

Marta Morazzoni et L'Affaire Alphonse Courrier

Par Stefano Palombari

morazzoni.jpgMarta Morazzoni Marta Morazzoni est née à Milan en 1950. Elle a une formation de philosophe et a collaboré à plusieurs revues de théâtre.
Elle est l'auteur, entre autres, de L'affaire Alphonse Courrier (Il caso Courrier, 1997, prix Campiello) qui vient de sortir en France et qui fait l’objet de cette interview.

Cette “Affaire Alphone Courrier” est totalement inventée ou vous êtes-vous inspirée d’un fait divers ?

Le personnage d’Alphonse Courrier est totalement fictif dans sa situation géographique et historique. Cependant, physiquement il m’a été inspiré par un ami dont j’ai pris les traits somatiques. Quant à l’élaboration de sa personnalité, il s’agit d’une recherche que j’ai menée concernant un projet de vie totalement gouverné par la volonté.

Pourquoi l’Auvergne ?

L’Auvergne m’avait particulièrement frappée au cours d’un bref séjour sur le Mont Dore. J’avais adoré le paysage, le rappel des volcans éteints, la paix qui découle d’un feu ancien dont on a perdu la mémoire. Et le personnage d’Alphonse est une représentation humaine de cette énergie sous contrôle. Au cours de ce voyage j’avais vu aussi Orcival, et j’avais beaucoup aimé ce rapport d’un petit village avec sa grande église. Lorsqu’un lieu me plaît j’ai tendance à l’habiter avec l’imagination, dans le cas échéant, j’y ai placé une histoire et un personnage auxquels je me sens très proche.

L’affaire éclate en 1917... une date au hasard ou peut-on supposer un deuxième degré de lecture ?

1917 est un choix précis. Des grands événements ont eu lieu à cette date ainsi qu’une guerre mondiale qui prennent toute l’attention et font oublier que la vie continue dans une normalité singulière, qui n’a jamais de place dans l’histoire. Donc, j’aime bien songer aux détails d’une vie normale dans le fracas, loin des grands événements. Et puis j’ai été aidée aussi par le contexte des coutumes et du mode de vie du début du siècle, qui m’intéressent beaucoup. D’autres fois, je l’ai imaginé dans une grande ville, Vienne par exemple, mais là c’est totalement différent. C’est le monde rural, le petit village avec ses rituels et ses habitudes, qui titillent mon imagination.

Pourrait-on définir Agnese et Adèle, deux prénoms qui semblent dans leur choix volontairement proches, comme deux femmes complémentaires ?



C’est un hasard si les deux femmes ont des prénoms similaires, mais en effet, vous avez raison, elles sont complémentaires. Elles représentent la partie consciente et inconsciente d’Alphonse, le jour et la nuit, l’apparence et la substance de la même personne. Le thème de la double vie et de notre être toujours un peu secret pour les autres, différent de ce que nous apparaissons, est l’un des éléments que j’aime sonder et avec lequel je joue avec plaisir.
Dans notre cas, une femme est sous le signe de l’approbation générale et donc de la reconnaissance dû au rang d’Alphonse, tandis que l’autre représente sa vérité la plus secrète, inconnue dans un certain sens, de lui-même aussi, jusqu’à ce qu’il ne soit mis brutalement face à sa vérité et à la perte d’une partie de lui-même.