Politique et économie

Publié le dimanche, 4 mai 2008 à 23h18

La parabole d’Alemanno

Par Stefano Palombari

alemanno124.jpgGianni Alemanno est le nouveau maire de Rome. Il a été élu à une large majorité dimanche dernier, le 27 avril. Comme d'habitude, il y a les étonnés et ceux qui avaient tout prévu, les scandalisés et ceux qui trouvent ça plutôt normale. Si on regarde la gestion " de gauche ", on pourrait dire que le bilan est substantiellement bon. Rutelli puis Veltroni, ont redoré le blason de la ville et ils lui ont rendu une dimension internationale.

Mais si l’on parle avec les Romains, alors là c’est un autre discours. Leur vie quotidienne ne s’est pas particulièrement améliorée ces dernières années. La situation des transports en commun est catastrophique. Difficile de se donner un rendez-vous dans la capitale italienne car on ne sait jamais quand on va arriver. Cependant, ce qui fait que l’idylle des romains avec leur maire de gauche a été brisée, c’est plutôt la mauvaise habitude de clientélisme de Veltroni & Co.

Auparavant, aux « bons vieux temps », quand la Démocratie Chrétienne gouvernait sans partage en Italie, on était fier à gauche de montrer le bon exemple. Bon, il y avait toujours quelques dérapages, mais dans les administrations locales gérées par le Parti communiste (il n’était pas encore démocrate à l’époque) une honnêteté austère régnait.

Maintenant que la modernité s’est emparée des anciens communistes, ils fonctionnent pour la plupart exactement comme les anciens Démocrates chrétiens. A Rome, la circulation des voitures était interdite dans le centre historique, sauf pour les ambulances, les riverains, les policiers… et les amis. Ah l’amitié ! Elle en ouvrait des portes pendant la gestion Veltroni ! Même les prix littéraires n’ont pas échappé à la règle du copinage !

Mais revenons à la victoire d’Alemanno. Ce qui est le plus surprenant au lendemain du résultat est la réaction d’une bonne partie de la presse française. A croire que lorsqu’il s’agit d’un pays étranger, les journalistes de l’Hexagone se transforment en redoutables gauchistes. Et voilà que presque tous les journaux ont souligné le passé fasciste de M. Alemanno, le fait qu’il ait gagné en surfant sur le sentiment d’insécurité et sa proposition scandaleuse d’expulser 20.000 étrangers. En effet, tout ça est vraiment scandaleux. Mais pas seulement concernant M. Alemanno.

Je trouve aussi avilissant que les mêmes journalistes ne soient plus scandalisés lorsqu’il s’agit des mêmes mesures en France. Le passé fasciste de M. Alemanno peut être assimilé au passé vichyste de certains hommes politique de premier plan en France et même, dans un passé beaucoup plus proche, à des sympathies lepénistes de certains ministres actuels. Quant à surfer sur le sentiment d’insécurité, la droite française n’a rien à envier à celle italienne. Et les 20.000 étrangers à expulser, il ne faut pas être de mauvaise fois pour en ajouter 5.000 de plus et arriver au chiffre (par an) fixé par l’actuel locataire de l’Elysée. Comment c’était au juste la parabole de Saint Luc concernant la poutre et la paille ?

Malheureusement l’élection d’Alemanno, comme celle du président français, ne sont que des symptômes inquiétants dans la population européenne qui croit à la « diceria de l’untore ». Le chômage, le pouvoir d’achat, les retraites… la situation est grave et il faut trouver un bouc émissaire, comme pour la grande peste de 1348. Et voilà que l’étranger devient le protagoniste de ce raccourci réactionnaire, de surcroît s’il est en position irrégulière.. Il est faible, sans défense, il n’a pas de connaissances dans les hautes sphères, il est donc la cible idéale, au point que même une partie de la soi-disant gauche joue ce jeu infâme.