Publié le jeudi, 6 mars 2008 à 10h06
L'idéal socialiste et la gauche
L'exemple du Parti démocrate italien
Il y a quelques mois, un nouveau Parti est né en Italie. Son ambition est de remplacer une coalition disparate, s'étirant de la gauche radicale au centre voire à la droite modérée, en une structure plus cohérente, située au coeur de la gauche moderne. Du point de vue de l'équilibre institutionnel italien, une telle évolution est sans doute positive. Mais ce nouveau Parti démocrate ne modifie pas que l'environnement institutionnel. Il marque aussi un divorce historique : celui d'une partie de la gauche avec le socialisme. Le socialiste milite pour que les « citoyens » ou les « camarades » se saisissent de leur destin commun et oeuvrent collectivement pour transformer leur monde.
Cette transformation a pour but la construction d’une communauté politique fondée sur la Justice, autrement dit sur une égale répartition de la liberté et sur la soumission de cette liberté à des valeurs humaines transcendantes qu’aucune initiative individuelle ou fatalité naturelle ne doit mettre en échec. Cet espoir englobe toutes les gauches, notamment la gauche révolutionnaire (communistes, trotskistes), la gauche jacobine-républicaine et la gauche sociale-démocrate.
Pendant longtemps, il n’existait pas de gauche sans référence au socialisme. Que ce dernier soit révolutionnaire, démocrate, républicain, il était toujours le point d’ancrage des forces de gauche. Le Parti démocrate italien, tout comme ceux qui se font appeler à tort « sociaux-démocrates » au Parti socialiste français, ne s’inscrivent plus dans ce cadre. Ils tirent prétexte de l’expérience soviétique pour disqualifier à la fois le communisme et le socialisme et les remiser tous deux, au rang de belles utopies porteuses de grandes désillusions.
Pour ceux là, l’espoir de la gauche n’est plus le socialisme mais le réalisme, c'est-à-dire l’acceptation de l’économie de marché comme principe indiscutable assorti de compensations humanitaires. Le socialisme ne fonde donc plus leur action politique. Car il n’y a plus de socialisme là où il n’existe qu’une volonté d’accompagnement social des l’injustices. Tous ces leaders ne parlent plus de transformation mais de régulation, ce qui marque un changement radical de philosophie politique.
Le socialisme entend en effet transformer la société pour la rendre meilleure qu’elle n’est alors que les Prodi, Veltroni, Strauss-Khan et consorts entendent accompagner une société dans sa marche débridée pour en réguler les excès. L’un s’inscrit dans une philosophie positiviste (la croyance en la perfectibilité humaine), l’autre dans une philosophie que je ne suis capable de qualifier que par sa manifestation : statique (laisser se développer librement les interactions individuelles et essayer d’agir en marge pour limiter la casse).
Cette volonté n’a rien de méprisable et n’a rien de choquant en soi. Il est naturel que les forces politiques se reconstituent en fonction des changements à l’œuvre à un moment donné. L’exemple du Parti démocrate italien pose simplement la question suivante : peut-on concevoir une gauche non socialiste ? Si oui, quel pourrait être le fondement philosophique de cette nouvelle gauche non socialiste ? En quoi cette gauche « non socialiste », désireuse d’encadrer le principe de l’économie de marché plutôt que de le remettre en cause, serait différente de la droite libérale modérée, qui elle aussi, encore plus ou moins basée sur le catholicisme social, est capable de reconnaître la nécessité d’une humanisation du marché ?
Ce Parti démocrate, n’est-ce pas plutôt la structuration d’un parti centriste ?