Politique et économie

Publié le dimanche, 10 février 2008 à 22h44

Le pape et la société civile

Par Stefano Palombari

pape111.jpgLe 17 janvier le pape Benoît XVI aurait dû ouvrir l'année académique à l'Université de Rome "La Sapienza" par un discours sur les relations entre foi chrétienne et savoir scientifique. Il aurait dû car il en a été empêché par les protestations de bon nombre d’étudiants et de plusieurs professeurs. Le discours manqué n’a pas manqué de provoquer un tollé d’indignation dans le milieu catholique.
Ce n’est pas la première fois que le pape parle dans des universités et pas seulement en Italie. Récemment il a parlé à l’université de Ratisbone, en Allemagne, un pays qui applique la laïcité bien plus que l’Italie. Alors, pourquoi les étudiants et les professeurs de La Sapienza ont empêché ce discours ?

Je crois que les raisons sont nombreuses. Tout d’abord ce n’était pas un simple discours mais l’inauguration de l’année académique. Certains professeurs, notamment des scientifiques n’ont pas pu accepter « l’invitation faite au pape pour l’ouverture de l’année académique et la possibilité qui lui était offerte de diriger l’horizon culturel des savoirs dans une institution laïque telle qu’est et doit être l’université ».
Une autre raison, liée à la première est en relation au discours prononcé en 1990 par Joseph Ratzinger, qui n’était alors que cardinal, à l’université de Parme, dans lequel “il légitimait” le procès et la condamnation de Galileo Galilei. En réalité, il s’agissait là d’une citation du philosophe Fayerabend : « A l’époque de Galilée, l’Eglise resta bien plus fidèle à la raison que Galilée même. Le procès contre Galilée fut donc raisonnable et juste. » On pourrait justement rétorquer que même si ce n’est pas lui l’auteur de cette phrase, c’est bien lui qui a choisi cet extrait. Ce n’est pas la première fois que ce pape glisse sur « des citations », rappelez-vous celle sur Mahomet à Ratisbonne. Cela peut être vu comme une façon détournée, et pas très courageuse, de pouvoir se permettre des provocations, sans avoir à en assumer la paternité, et donc les conséquences.

Est-ce que cette malheureuse citation suffit à justifier la négation de la parole ? Non, je crois que le problème est bien plus profond et touche les rapports entre une partie de la jeunesse et du monde intellectuel italien et l’église. Et l’arrivée de Benoît XVI n’a pas contribué à arranger les choses. Il y a toujours eu une certaine propension du Vatican à se mêler de la politique intérieure de l’Italie, un pays, rappelons-le, qui au moins sur le papier est laïc. Le clergé considère que la collocation géographique du Vatican lui donne une sorte de droit d’ingérence sur toute la péninsule. Cela se traduit dans les faits par une critique systématique du Vatican à la moindre mesure prise par l’état italien.

Depuis que le cardinal Ratzinger est devenu pape, cette tendance s’est amplifiée. Le pape se permet d’intervenir sur tout, les lois scientifiques, l’éducation, la politique extérieure de l’Italie, et même, tout récemment, sur la gestion d’une ville comme Rome. Cette attitude agace de plus en plus de gens qui croient que le pape devrait ce limiter à la sphère religieuse. Malheureusement, la religion (catholique) en Italie a envahi depuis longtemps la sphère publique et les institutions. La croix est encore présente, par exemple, dans les écoles publiques et dans les tribunaux. Parallèlement, on assiste à une sclérosation et même à une régression des positions de l’église sur plusieurs thématiques, ce qui contribue à creuser le fossé entre l’Eglise et la société civile italienne. La question est donc : les Italiens sont-ils prêts pour une république vraiment laïque ? Malheureusement, vu la composition et le programme des deux coalitions, je ne crois pas que les prochaines élections législatives du 13 et 14 avril, aideront à donner une réponse à la question.