Politique et économie

Publié le samedi, 19 janvier 2008 à 18h32

L’Unité italienne est-elle en danger ?

Par Samuel D.

Carte publiée par le TimesContrairement à ce que l’on pourrait penser, l’Europe n’a jamais été aussi morcelée et désunie qu’aujourd’hui. Voici une carte publiée en 2006, par le journal anglo-saxon « Times ». On y découvre les « pays » d’Europe qui après le Monténégro, selon la légende de la carte : « …pourraient être les prochains » de ce grand processus de balkanisation.

On découvre ainsi que « ceux qui pourraient venir après le Monténégro », selon le Times en 2006, sont : l’Ecosse, l’Irlande, le Pays de Galles, le Pays Basque, la Catalogne, l’Andalousie, la Corse, la Sardaigne, la Flandre, la Wallonie, le Sud-Tyrol, le Kosovo, la Respublika Srpska, le Territoire croate de Bosnie, la Transdniestrie, Nagorny Karabakh, l’Ossétie du Sud, la Tchétchénie, le Kurdistan etc.

Carte publiée par le Times

La question qui nous vient tous à l’esprit est : comment cela se fait-il qu’au XXIème siècle, l’heure est au morcellement ? La modernité serait-elle dans notre division ?

En nous concentrant sur l’Italie, énumérons quelques acquis que l’on doit, de façon directe ou indirecte, au processus de l’Unité :

  • L’Unité a permis de donner un cadre national au développement. Pour exemples :
    • C’est en 1861, qu’est nommé le premier « Ministre de l’Instruction Publique de l’Italie unie ».
    • le Ferrovie dello Stato (la Société férovière de l’Etat) a été créée en 1905 (soit 30 ans après la fin de l’Unité ; pour comparaison la SNCF a été créée en 1938).
    • Une modernisation industrielle, par l’abolition des frontières.
  • L’instauration de droits collectifs.
    • L’abolition de cette constellation de petits états archaïques (dont ceux de l’Eglise, rétablis ensuite par Mussolini) qui formaient une péninsule désunie.
    • L’apparition de statuts reconnus au niveau national pour les travailleurs
    • concomitamment, comme on l’a dit, au développement d’une Instruction Publique délivrant des diplômes au contenu défini et donnant des droits établis.

L’Unité italienne est-en danger car on remet justement en cause ses acquis !

C’est au moment de l’arrivée au pouvoir de Silvio Berlusconi, que le ministère de l’Instruction Publique italien a perdu le second des deux termes qui composaient son nom, pour devenir tout simplement « Ministère de l’Instruction ».

Et c’est en octobre 2005, que la réforme Moratti a mis en place une privatisation progressive de l’enseignement supérieur.

Sans oublier la réforme de 1996 de Luigi Berlinguer (ministre du premier gouvernement Prodi), qui a ouvert la porte à l’initiative de Laetizia Moratti d’apporter un énorme financement de 30 millions d’euros aux écoles privées. C’est en effet, la loi Berlinguer qui a prévu la « parité » entre les écoles publiques et privées, et l’« autonomia scolastica » (autonomie scolaire) qui a fait de chaque établissement une « entreprise » conduite par un directeur-manager qui peut choisir de contacter des sponsors et de modifier une partie des programmes. L’aboutissement est une qualité d’enseignement différentes sur le territoire national. Voilà la fin de l’Unité !

Berlinguer… Moratti… Berlusconi…Tout cela n’est qu’application des directives de Romano Prodi, président de la Commission Européenne de 1999 à 2006, imposant le respect du processus de Bologne (cela a pris la forme de la loi LMD et Pécresse en France) et aboutissant finalement à une individualisation des diplômes qui a mis fin définitivement à la reconnaissance collective des qualifications.

L’individualisation des statuts, la privatisation des entreprises et de l’enseignement publiques, l’annulation des conventions collectives, la parcellisation à tout va. Voilà les formes que prennent les attaques contre l’Unité !

Plus récemment il y eut la tentative rejetée par les Italiens de réforme de la Constitution.

Cette réforme appelée aussi « devoluzione » prévoyait de diviser l’Italie en 20 petites régions ayant chacune leur programmes d’enseignement, leur fiscalité etc., et avait pour but de marquer la fin définitive de l’Unité italienne et ainsi la disparition de tous les acquis collectifs.

Finalement, le résultat du referendum constitutionnel de juin 2006 a été sans appel : une victoire du NON à 61,7%.

Le NON a été vainqueur dans toutes les régions à l’exception de la Vénétie et de la Lombardie (malgré le vote NON majoritaire de Milan).

Le NON a une Italie morcelée a été victorieux aussi bien dans les Iles (70,6%), qu’au Sud (74,8%), qu’au Centre (67,7%) et qu’au Nord (52,6%) !

Si le peuple a rejeté une nouvelle fois le projet de démantèlement de l’Unité italienne, la classe politique montrait déjà ses divergences quant à ce résultat démocratique. Ainsi la Corriere della Sera titrait au lendemain de la victoire du NON : « Vittoria netta del no. Prodi e Berlusconi : dialogo ».

Et Prodi se mit encore une fois à exécution, allant discuter avec des partis comme la Ligue du Nord et finalement aboutir en avril 2007 (soit moins d’un an après le referendum) à des accords de décentralisation "de la plaine du Pô".

L’actuel chef du gouvernement de « centre-gauche » alla jusqu’à déclarer après ces rencontres : "Nous avons approfondit le lien que la Ligue (du Nord) fait entre les reformes et le renforcement des autonomies locales. Une ligne où je me trouve en parfait accord avec la Ligue et où nous poursuivrons les contacts aussi dans le futur". (Sic)

Ce à quoi Bossi ajoute : "Je n'ai pas informé Berlusconi, mais je suis sûr qu'il ne se fâchera pas", rajoutant "il n'y aura pas de référendum (...) car ce texte dés qu'il sera voté devra entrer en application".

Nous voilà donc confronter à une belle unité contre l’Unité !