Publié le jeudi, 10 janvier 2008 à 09h09
Le Modèle italien
Ces derniers temps on entend de plus en plus souvent une partie du PS faire référence à l’expérience italienne. De quoi s’agit-il ? Tout simplement de dépasser les anciennes frontières politiques pour réaliser des accords de coalition plus larges. Au nom de l’expérience italienne Ségolène Royal, Julien Dray et d’autres poussent pour que le PS trouve un accord avec le centre pour gouverner. Mais est-ce qu’en Italie ce système marche bien ? Est-ce un système qui permet de bien gouverner ?
Il suffit de lire un peu les journaux italiens pour comprendre qu’au-delà des Alpes cette coalition est perçue de façon bien différente. Le parcours du gouvernement italien s’apparente plus à un chemin de croix qu’à une promenade via Veneto. Pas facile de composer, de trouver des synthèses avec des coalitions très larges. Et le gouvernement donne l’impression, et ce n’est pas qu’une impression, d’être totalement bloqué. Dès qu’un ministre d’un des partis au pouvoir propose des mesures, des voix agacées et menaçantes se lèvent de l’autre côté.
Tout récemment il y a eu deux accrochages assez violents qui ont fait trembler le gouvernement de M. Prodi. Le premier sur le DICO, le pacs à l’italienne, qui devait donner un statut légal aux couples non mariés qui à l’état actuel n’ont aucun droit (héritage, attribution d’appartement…). Le deuxième sur la reconnaissance, au niveau européen, du délit d’homophobie. Là aussi, le centre de la coalition a pointé des pieds. La sénatrice Paola Binetti, qui mériterait un article à elle toute seule, est la figure emblématique de cette résistance d’une certaine partie de la classe politique italienne à l’expansion des droits civils. Elle fait partie du Teodem, un groupuscule intégriste catholique à l’intérieur du centre-gauche, réfractaire à tout changement. Et pourtant les deux lois, dont la première était même dans le programme électoral de M. Prodi, ne sont pas subversives. Loin de là. Il ne s’agit pas là, d’ôter les crucifix des écoles publiques ou des tribunaux. Dans ce cas la Binetti aurait carrément organisé une énième croisade. Elle a même déclaré que l’homosexualité était une déviance.
Cette divergence de positions à l’intérieur de la majorité crée aussi des situations carrément paradoxales lorsqu’on assiste à des manifestations où des membres du gouvernement s’affichent à côté de manifestants contre le gouvernement.
Ce genre de coalition apparaît plus en opposition à quelque chose, Berlusconi en Italie, Sarkozy en France, qu’un instrument pour bien gouverner. Le risque est que, une fois gagnées les élections, la majorité donne une si piètre image d’elle-même qu’à partir de la législation suivante s’entamera une longue période de pouvoir de la droite.