Publié le mardi, 1 janvier 2008 à 10h05
Gastronomie italienne - état des lieux
Parfois, j'ai vraiment l'impression que la cuisine devient "un jouet dans les mains des enfants" (proverbe napolitain qui signifie qu'une chose sérieuse se trouve entre les mains d'incompétents) quand des chefs, sous couvert de créativité modifient des recettes traditionnelles en leur laissant improprement leur nom au seul motif qu'ils ont utilisé l'un des ingrédients. Je m'explique, dans certaines cartes de restaurants "gasstronomiiiiques" apparaît le fameux "tiramisù aux fraises". Dès lors que l'on remplace les deux produits de base du vrai tiramisù que sont le cacao et le café (ce sont principalement ces deux ingrédients qui tirent vers le haut, certainement pas les fraises) notre tiramisù devient une crème de mascarpone aux fraises.
Carpaccio d'espadon ? Carpaccio de courgettes au citron ? Carpaccio de Saint-Jacques ? Voici encore d'autres dénominations de fameuses recettes de carpaccio qui fleurissent sur les menus de célèbres restaurants qu'ils soient italiens ou français. Comme chacun sait (à part les inventeurs des carpaccios cités plus haut) Carpaccio est un grand peintre vénitien de la Renaissance et si le chef, Giuseppe Cipriani du Harry's bar de Venise a créé un plat qu'il a appelé Carpaccio c'est simplement parce que les couleurs de ce plat à base de viande crue et de moutarde rappelaient certaines tonalités rouges et jaunes utilisées par le peintre. Nos créateurs contemporains appellent en revanche carpaccio tout ce qui se tranche très finement et se mange cru. Et bien souvent c'est l'unique chose fine qui se trouve dans ces restaurants où l'addition est au contraire bien épaisse sous couvert de gastronomie.
Mais ces messieurs savent-ils ce qu'est la gastronomie ? le mot se réfère à une étymologie grecque : "gaster" (estomac) "nomia" (loi).
Ou bien croit-il qu'un restaurant peut être considéré comme gastronomique seulement parce qu'il possède une importante équipe de cuisiniers, de serveurs, de la vaisselle raffinée, de l'argenterie et que pour l'élaboration de leurs plats les cuisiniers n'utilisent que des matières premières coûteuses et recherchées ?
Alors pour ceux qui sont convaincus de cela, je les laisse prendre connaissance de la définition du grand Brillat-Savarin, extraite de la Physiologie du Goût : "La gastronomie étudie les hommes et les choses pour transporter d'un pays à l'autre tout ce qui mérite d'être connu et qui fait qu'un banquet savamment préparé est comme un monde réduit dans lequel chaque partie de celui-ci apparaît avec ses produits. La gastronomie... celle qui nous maintient du berceau à la tombe, qui augmente les délices de l'amour et la proximité de l'amitié, qui désarme la haine, fait avancer les affaires et nous offre, dans la brièveté du cours de la vie, la seule joie qui, n'étant pas suivie de fatigue, nous repose en fait de toutes les autres".
Vous avez lu ? Bien alors arrêtons de vouloir à tout prix créer de nouvelles recettes en transformant les anciennes sans aucun motif. Contentons-nous de les préparer dans le respect de la tradition. En disant cela, je ne veux absolument pas dire qu'on ne doit pas proposer de nouveaux goûts en cuisine avec de nouveaux produits pour créer de nouvelles recettes mais apprenons auparavant à connaître et à respecter les produits que nous utilisons et alors oui nous serons de véritables gastronomes.