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+ | ====== Ciprì et Maresco ====== | ||
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+ | [[Daniele Ciprì]] et [[Franco Maresco]] se sont rencontrés en 1986. | ||
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+ | ===== Le parcours de Ciprì et Maresco ===== | ||
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+ | Daniele Ciprì et Franco Maresco ont commencé à travailler ensemble en 1986, réa- | ||
+ | lisant plusieurs films expérimentaux pour une chaîne de télévision palermitaine, | ||
+ | TVM. Après avoir travaillé pour la Fininvest avec le programme “[[Isole Comprese]]”, | ||
+ | collaborent à “[[Blob]]” et “[[Fuori orario]]” sur RAI 3 (1990). Ils participent à “Avanzi”, | ||
+ | commencent à produire une série extrême et provocante, qui bouleversera la télé- | ||
+ | vision italienne : “[[Cinico TV]]”. | ||
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+ | Après divers courts-métrages auxquels collaborent cer- | ||
+ | tains grands noms du cinéma (Martin Scorsese, Samuel Fuller, Amos Gitai, [[Carmelo | ||
+ | Bene]]), des films sur le jazz (en particulier avec Steve Lacy), de nombreux prix et | ||
+ | plusieurs rétrospectives qui leur sont consacrées, | ||
+ | réalisent //Totò che visse due volte// (“[[http:// | ||
+ | foudres de la censure italienne. En janvier 2002, ils ont présenté à Venise un spec- | ||
+ | tacle théâtral, //Palermo può attendere// (“Palerme peut attendre”). | ||
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+ | ==== les débuts : courts-métrages pour la télévision ==== | ||
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+ | Daniele et moi nous sommes rencontrés en 1986, et nous avons tout de suite commencé à essayer de faire du cinéma, d’une manière plutôt ingénue au début, évidemment. Daniele, qui vient d’une famille de photographes, | ||
+ | partie technique du cinéma. Moi, j’avais une expérience de ciné-club et je faisais des | ||
+ | programmes de jazz à la radio. Nous avons très vite trouvé des points d’intérêt communs, en particulier le cinéma classique américain, le noir et blanc, Ford, Hawks, | ||
+ | etc. Une autre passion importante a été celle pour le cinéma pornographique. | ||
+ | Pendant un an et demi nous avons fait des petits montages, des petits travaux en | ||
+ | vidéo et les premiers courts-métrages, | ||
+ | acteurs de base de “Cinico TV” : le cycliste Tirone, qui malheureusement est mort il | ||
+ | y a quelques mois, [[Marcello Miranda]], le barbu muet de Totò che visse due volte, etc. \\ | ||
+ | Comme il nous fallait du matériel, j’ai dit un jour aux propriétaires de la chaîne pour | ||
+ | laquelle je faisais une émission pour les jeunes : “On pourrait vous fournir de petites | ||
+ | émissions de jazz, de cinéma, etc., et vous, en échange, vous nous laissez monter, | ||
+ | vous nous donnez le matériel.” C’est comme ça, d’une certaine façon, que nous | ||
+ | avons commencé à nous autofinancer. A la fin des années quatre-vingt on envoyait | ||
+ | déjà sur le petit écran ces flashes, dont on peut dire aujourd’hui que c’étaient des | ||
+ | précurseurs de “Cinico TV”. | ||
+ | |||
+ | Nous avons découvert avec étonnement qu’il y avait une adhésion, une approbation. | ||
+ | Elle se caractérisait déjà, comme cela se confirmera par la suite, par une sorte, non | ||
+ | pas de fanatisme, mais de dévouement, | ||
+ | dans ce que nous faisions, et nous avons compris que, tout compte fait, la route que | ||
+ | nousétions en train de prendre n’était peut-être pas aussi folle, solitaire et sans | ||
+ | issue. | ||
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+ | En 1990 encore, nous avons envoyé à Enrico Ghezzi nos travaux, qui entre-temps | ||
+ | étaient devenus beaucoup plus nombreux, car nous travaillions beaucoup. Les premiers épisodes de “Cinico TV” sont alors apparus. | ||
+ | Ce n’est qu’en 1995 que nous sommes arrivés au cinéma proprement dit, avec //Lo | ||
+ | zio di Brooklyn.// | ||
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+ | ==== La démarche de Ciprì et Maresco ==== | ||
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+ | Notre rencontre avec Daniele a été favorisée par le fait que nous ne venions d’au- | ||
+ | cune école. Nous venions de la “rue”, si l’on peut dire; nos familles étaient modestes, | ||
+ | nous n’avions pas reçu d’instruction supérieure, | ||
+ | cinéma. Bref, nous étions des autodidactes, | ||
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+ | J’avais eu, et Daniele aussi, un rapport très conflictuel avec l’autorité, | ||
+ | l’école. Depuis mon adolescence, | ||
+ | plutôt intolérant à toute forme d’autorité. L’inconvénient d’être autodidacte, | ||
+ | qu’on manque de méthode, probablement. L’avantage, | ||
+ | schéma rigide. Si on possède l’envie, l’enthousiasme, | ||
+ | incroyable, unique. Il n’y a qu’à voir dans le jazz par exemple : ce sont des gens | ||
+ | libres qui ont ouvert des voies, les autres, ensuite, ont tenté de codifier. Erroll | ||
+ | Garner était un autodidacte. Cette liberté absolue dans notre travail, c’est ce qui | ||
+ | nous caractérise. C’est peut-être aussi ce qui rend difficile le travail avec nous, que | ||
+ | ce soit pour un monteur ou pour un chef-opérateur : ce besoin d’entrer sans réserve dans notre cinéma. Si un technicien travaille sur le tournage de Ciprì et Maresco, | ||
+ | il doit oublier ce qu’est l’école de cinéma et ce que disent les règles fondamentales | ||
+ | du montage. Souvent, pour certains, c’est douloureux, parce qu’ils ont fait cinq ans | ||
+ | d’école de cinéma. Tout ça pour que Ciprì et Maresco bousillent ce qu’ils ont appris! | ||
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+ | Nous n’avons jamais voulu jouer aux transgresseurs. Tout ce que nous avons fait, | ||
+ | nous l’avons fait de manière instinctive, | ||
+ | ça, parce que ça nous plaisait de le faire de cette manière-là. Parce que nous avions | ||
+ | cette formation “inculte”. Audébut, nous nous sommes peu à peu détachés d’un | ||
+ | petit groupe de personnes, parce qu’il était constitué en partie d’intellectuels, | ||
+ | théoriciens, | ||
+ | tendaient. Daniele et moi, en revanche, cherchions à expérimenter. | ||
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+ | L’expérimentation est une chose très importante, mais il ne faut pas avoir conscience d’expérimenter, | ||
+ | autres. Il faut le faire parce qu’on en a envie. | ||
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+ | Nous avions, alors que nous commencions à faire des films, une soif, un appétit, un | ||
+ | désir de vérifier et de tenter incroyables. Et comme en plus nous n’avions rien à | ||
+ | perdre, nous nous sentions totalement libres. Cette liberté, nous l’avons parfois | ||
+ | regrettée quand nous avons eu de plus grandes responsabilités productives, | ||
+ | si, je dois dire, nous avons toujours maintenu un niveau de “folie” assez élevé. A | ||
+ | cause de nos origines modestes, il y a sans doute eu aussi chez nous une envie de | ||
+ | revanche sociale, qui a constitué une motivation et une impulsion déterminantes | ||
+ | pour notre travail. | ||
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+ | Le Sud que nous montrons est totalement différent, malcommode, dérangeant. | ||
+ | L’Italie – celle qui se réunit à dîner à huit heures moins le quart, qui est insouciante et inconsciente, | ||
+ | plus rien désormais ne l’arrêtera, | ||
+ | mort, la pauvreté – voit arriver une autre Italie, représentant une réalité que la première voudrait bien effacer, celle des déshérités, | ||
+ | Elle comprend qu’elle n’est pas seulement Milan et le Nord-Est, mais qu’elle est faite | ||
+ | aussi d’un Sud qui a des difficultés à s’accrocher. Ce Sud-là fait son cynique, il fait | ||
+ | pitié, c’est un Sud qui casse les couilles, qui est féroce, bref il est vrai, authentique, | ||
+ | il est fait de peau sale, de pets, de gens malades et de bossus. Et nous, voilà : nous | ||
+ | le posons là, cinq minutes chaque jour. | ||
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+ | L’emploi exclusif du noir et blanc est dû à notre commune passion pour le cinéma classique, américain en particulier, | ||
+ | Palerme, avec ces personnages, | ||
+ | la vulgarité ou dans la platitude la plus absolue. Le problème (mais ça, on peut | ||
+ | le dire maintenant, a posteriori) était de partir du réalisme pour le transcender | ||
+ | et lui conférer une dimension abstraite, un peu métaphysique, | ||
+ | et blanc permet de manière admirable de saisir cette dimension-là… En plus de | ||
+ | toute une série d’autres éléments : la manière de montrer les choses, le découpage, le plan, les acteurs… Mais c’est vrai que le noir et blanc donne une touche | ||
+ | particulière. Il y a des corps qui sont là, évidents, ce sont des corps qu’on pourrait mettre nus dans n’importe quel documentaire, | ||
+ | télévisé. Mais de cette manière, avec cette conscience, ce regard, les personnages dépassent leur propre matérialité, | ||
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+ | ===== Filmographie ===== | ||
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+ | Outre de très nombreux courts-métrages et documentaires, | ||
+ | ont réalisé trois longs-métrages de fiction: | ||
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+ | * Lo zio di Brooklyn (L’Oncle de Brooklyn - 1995) | ||
+ | * Totò che visse due volte (Toto qui vécut deux fois, 1998) | ||
+ | * Il ritorno di Gagliostro (Le Retour de Gagliostro, 2003). | ||