Poème de Carlo Bordini
La vie au centre
À propos de Poussière de Carlo Bordini.
Par Olivier Favier
Poussière est un long poème de plus de quatre-cents vers libres, dont la particularité première est d'articuler fragments narratifs, fragments discursifs et épisodes lyriques, considérations intimes et aspirations à l'universalité ou, pour le dire à la manière renaissante, microcosme et macrocosme -sans toutefois, et c'est là une différence de taille, que la réflexion sur l'individu, la condition humaine, ne trouve d'autres sources que dans l'expérience personnelle-. Le rythme est moins celui de la réflexion que de la méditation, d'où son caractère circulaire, ou plus exactement, hélocoïdal. En voici, pour preuve, un premier extrait :
“ quelque chose de rond,
qui tourne
comme une spirale transparente
comme une spirale transparente,
qui tourne,
qui tourne comme dans un ciel
transparent
qui tourne
qui tourne avec force.
Quelque chose de rond
Ne naît pas, est déjà né
dans un ciel
transparent
et tourne
tranquillement,
comme déjà né et
rond à spirales
comme déjà né
qui tourne
Avec force
quelque chose de rond,
qui tourne
comme une spirale transparente
comme une spirale transparente,
qui tourne,
qui tourne comme dans un ciel
transparent
ou comme de capricieuses
boucles transparentes
qui tourne avec force.
Quelque chose de rond
Ne naît pas, est déjà né
dans un ciel
transparent
et tourne
tranquillement,
comme déjà né et
rond à spirales
comme déjà né
qui tourne
Avec force”
Ce passage fait écho à un autre, plus court, en amont du texte:
“Une chose rose, très rose,
comme une aube,
pâle et dorée, translucide,
transparente,
comme une aube dorée, translucide,
transparente, comme un rideau rose
et transparent, comme un nouveau
départ, comme une nébuleuse dorée
qui transluit de sa faiblesse,
et délicatesse, pâle, aube, premières heures
du matin, papillon comme les ailes de la,
comme un drap, un matin heureux.”
En fait, il semble que deux mouvements s'opèrent, qui viennent traverser ce poème d'une énergie en apparence moins dialectique que paradoxale. Les fragments s'enchaînent comme autant de “renaissances”, de “reprises”, reprises du souffle aussi, dans le rythme d'une écriture fortement marquée par l'oralité : la perception s'y fait de plus en plus large, zones d'ombre de la vie intime -notamment un long fragment sur la vie amoureuse- rêverie sur la matière aux accents de cosmogonie, retour aux rêves alchimiques suite aux expériences sur la fusion froide tentées par Maurice Fleischmann et Stanley Pons en 1989. Cet élargissement conduit à un vaste apaisement, dans le sens d'une acceptation lucide, non d'une vision consolatrice de l'existence. Voici les derniers vers :
“être ainsi c'est
être ainsi
on ne voudrait
jamais finir
jamais
jamais
Une fois je pensai que j'aurais voulu il faisait chaud, il était six heures du matin et il faisait chaud,
il était six heures mais il faisait chaud, un miracle. (c'était en octobre).
… Fumé trop. Comme un coït.
Naturellement il faut éteindre la lumière. Et fermer la porte.
Ce serait bien d'avoir des chaussettes. Ou de mettre les pieds sous les couvertures.
En effet je les mets aussitôt sous les couvertures.
C'est en octobre, il fait froid. Il faisait chaud, mais c'est froid.
Lumière diffuse. Il n'est pas logique que la plume me tombe des mains. De la fenêtre
on voit les nuages. (et quels nuages).
Les poumons font mal, naturellement.
Je l'ai toujours haïe, et j'en ai toujours
eu peur. Et j'ai toujours été aimable avec elle.
Je me suis levé et la vue, lavée par la pluie,
était comme les vieux peintres italiens
Le divin sarcasme. Dieu
est très sarcastique, par exemple. Jamais connu
quelqu'un de plus ricanant que lui. (C'est le matin à présent, on
entend les voix. Continuer n'a pas de sens.)
parce qu'
en effet
ils fouilleront parmi mes os”
L'autre mouvement du texte est celui d'une réduction, manifeste aussi dans le dernier fragment que je viens de lire, réduction annoncée dans le titre et proclamée dans les tous premiers vers :
“Je serai toujours un peu moins que celui que je suis,
et même, beaucoup moins. Poussière. J'ai beaucoup perdu.
Ce que l'on perd est irrécupérable, et si on le récupère il
est désormais dispersé, il ne rentre plus dans l'ordre préétabli
des choses. Je suis content
si de moi ne reste qu'une légère
enveloppe. J'ai perdu
beaucoup. Dans cette légèreté,
ce qui importe le plus est l'absence des aigus
que tout soit rond et recueilli. Cela
suffit. Tout ce qui est dévasté peut devenir rond,
rond encore. Comme un vase. C'est encore possible.”
Le corolaire de ce paradoxe est l'acceptation d'une appréhension du monde qui ne passe pas par la compréhension :
“ (…) Je suis content
de ne pas comprendre les choses. Leur
raison. Il y a des choses que j'ignore, et je suis
content. Elles apparaissent comme des mystères,
tranquilles. Par exemple,
la jeune femme que je vois toujours, m'aime-t-elle
ou non? Je ne le sais pas. Je suis content
de ne pas le savoir. Je suis content de ne pas savoir
si je l'aime, ou mieux, je sais que je ne l'aime pas, que je pourrais
l'aimer; je suis content
de ne pas savoir si j'aurais pu l'aimer. Ce mystère
me rassure plus que son amour.
Il est beau de ne pas savoir. Ne pas savoir, par exemple,
combien je vivrai,
ou combien vivra la terre.
Cette suspension
remplace l'éternité.”
Dans un texte des années 1980, “Début d'un roman non écrit”, publié dans le recueil de proses Pezzi di ricambio (2003) -paru en français dans la revue Siècle 21- Carlo Bordini écrivait déjà :
« J'ai la très étrange sensation d'être né hier, et que tout ce qui a précédé n'a pas été autre chose que des rêves, de très longs rêves… comme de précédentes réincarnations. cela signifie que rien ne s'est stratifié ou n'est devenu expérience; et puisque ma vie est un perpétuel recommencement, fortuit, et que le fait de me trouver dans un point déterminé de son cours est purement arbitraire, un jour que je recommence toujours du matin, le soir est incinéré, détruit par l'incinérateur de la non-conscience. »
Le ton est singulièrement différent dans Polvere, comme si la prise en considération du vieillissement, du déclin, obligeait à changer sa propre vie en Histoire. Étrange paradoxe encore, de ce chercheur du reste fortement marqué par le matérialisme dialectique, qui a écrit un fort bel essai sur les années 1970 -La Zone grise, lui aussi présenté dans l'anthologie de la revue Siècle 21, publié en italien dans le recueil Renault 4 (2007)- que de concevoir le cours des choses soit d'un point de vue cyclique -un mythe de l'éternel retour n'allant pas même jusqu'à suivre le rythme des saisons, sinon celui d'une vie humaine- soit sous celui de la décripitude. Encore faudrait-il citer les premières phrases du texte que je viens d'évoquer, « La Zone grise » :
« Dans les années soixante-dix, j'étais un ex. J'avais épuisé ma colère, mes espérances et mon désir de lutter dans l'un des nombreux fragments du mouvement trotskiste. Après neuf années j'étais revenu à la vie, j'avais réussi à prendre le train en marche: je terminai mes études à trente trois ans et je devins chercheur à l'université. J'eus vite fait de comprendre, en discutant avec un ami, que j'étais né deux fois; je regardais le monde, stupéfait, le monde nouveau de cette seconde naissance. »
Le ton est donné. S'il nous décrit par la suite une évolution rapide, une époque aux espérances aussi fortes que les désillusions qui suivirent, c'est pour s'y présenter aussitôt en témoin, en homme de la « zone grise » justement. Comme si, à titre personnel, il avait fait sien le mot d'André Breton : « L'Histoire tombe comme la neige, toujours à côté. » Dans un texte écrit en 2008, dans la période précédent les élections, il va encore plus loin: « dans cette situation, écrit-il, ma principale préoccupation, dans mon rapport à Rome, est de feindre que la réalité n'existe pas. je suis assez doué pour cela, étant donné que je m'exerce depuis bien des années. »
De fait, son œuvre ne le conduit pas vers une vision désenchantée du monde: vision dépressive de celui qui contemple la vie derrière une vitre, ou, pour citer les derniers mots du Feu follet de Pierre Drieu la Rochelle, de celui qui ne peut « se heurter à l'objet ». En réponse à une enquête menée par une maison d'édition pour un projet de livre collectif - Ce que je vois de ma fenêtre- , Carlo Bordini énonce ce qu'il appelle une hyper-vérité, c'est à dire qu'il ne s'en tient pas au simple aveu de la conscience mélancolique :
« De ma fenêtre je ne vois rien. Il est vrai que je n'y regarde jamais. Ou, pour mieux dire, il m'arrive de regarder dehors pour voir s'il pleut. La raison pour laquelle je ne regarde pas par la fenêtre est qu'il n'y a rien à voir. »
Ce court récit s'achève au point où la noirceur en vient à renouer avec la catharsis tragique -à cette différence près que l'absurde y conduit à l'humour-:
« En réalité, la télévision est ma fenêtre. L'ordinateur aussi, mais l'ordinateur sert surtout à travailler. Pour me changer les idées je regarde la télévision. Aussi pour savoir ce qui se passe dans le monde. La télévision est ma fenêtre en somme. Les fenêtres réelles me servent seulement à faire entrer l'air et le soleil chez moi. Je passe des heures devant la télévision. Ce n'est pas une fenêtre idéale. Il y a trop de films américains, et cela me dérange. Il y a quelques jours je suis allé Piazza Navona, j'ai vu des Américains et cela a fait naître en moi une sensation de gêne physique.
Je dois confesser que je vis dans une sorte de réalité virtuelle. Je suis abonné à tous les programmes payants ou presque. J'ai beaucoup d'amis, mais je ne les vois presque jamais. Il y a quelque temps, j'ai entendu sous mes fenêtres un inquiétant va-et-vient d'ambulances. Alors, espérant comprendre ce qu'il se passait, j'ai allumé la télévision. »
L'hyper-vérité, au fond, a quelque chose de commun avec l'obscénité, une notion qui revient souvent dans les poèmes de Carlo Bordini:
« Nous qui
sommes tout entier recroquevillés dans nos rêves
nous savons que
Il y a quelque chose d'obscène dans les rêves d'autrui
Il y a quelque chose d'obscène
qui consiste dans le fait que les rêves d'autrui sont / absurdement / et épouvantablement
pareils aux nôtres
et dévoilent la honte
de nos rêves privés
leur petitesse infantile
leur caractère honteusement (pour nous) préfabriqué »
Dans Poussière, tout se passe comme si l'énonciation cherchait à repousser les limites de ce qui peut être dit. Revenant sur son rapport aux femmes -dans le souvenir d'un climat marqué par la libération sexuelle des années 1970-, il écrit :
“Sans femme nous ne savons rien
faire. Maintenant nous le savons, et c'est ainsi.
Ou bien, autre interprétation, mais c'est toujours la même,
femmes qui ne voulaient pas être femmes, mais qui voulaient jouer avec les petits garçons,
petites filles elles aussi. Ô nos célibataires, tremblantes, et subtiles compagnes,
cela s'est simplement passé ainsi. L'empire des petits enfants s'est défait,
et vous ne pouvez plus jouer avec nous. L'empire des petits enfants mâles,
auquel vous vouliez participer. Maintenant vous devez de nouveau jouer les dames; et vous
[occuper de vos malades décrépits -que nous sommes.
Votre tremblant, frémissant bovarisme est tombé. Vous ne pouvez pas jouer
dans l'enclos des hommes.
Vous ne pouvez pas être leurs petites femmes et jouez avec eux.
Le monde des enfants est tombé, et il ne reste que nous les vieillards
décrépits. Vous pouvez vous occuper de nous, si vous voulez.
Il ne vous reste que nous.
Peut-être que le monde sera sauvé par les femmes, décrépit…
Les femmes nettoieront le cul du monde…”
Je voudrais citer en écho, hyper-vérité toujours, ce passage de Poème inutile, publié cette année dans Sasso, paru en français dans la revue Décharges, en décembre prochain. Il me semble reproduire le mouvement même de la vie, son obscénité justement, dans l'énonciation tragique de la contradiction:
« Quand elle se suicida, je n'en eus rien à foutre
d'ailleurs, la dernière fois, elle ne m'avait presque pas salué
Elle était toujours tellement attachée, je n'en pouvais plus
j'avais aussi mes affaires à régler
Nous vivons tous à l'ombre de ce suicide
Oh aimez-moi s'il vous plaît cette poésie est trop triste
Quand elle mourut
J'ai vécu cet œdipe en retard
Faire un voyage dans l'imaginaire
ceux qui brûlent des mannequins
ont raison, mais ça ne convient pas
il faut dire: ce sont des victimes, ce n'est pas leur faute
la campagne vue d'en haut
me coupait le souffle
et notre génération d'estropiés
l'idée de ne pas avoir su la protéger
ne pas avoir pu la sauver »
Le suicide, ici, rompt l'harmonie du vivant qui est à l'œuvre, dans Poussière, avec l'acceptation du vieillissement. L'horreur ne peut naître que d'une brusque interruption du cours naturel des choses:
“Ainsi je me souviens.
Une nuit, à la campagne, une sauterelle
se matérialisa dans ma chambre à coucher,
sautant ici et là. La pensée de l'horreur
de cette sauterelle démente, de ce saut dément
me paralysait et alors je pris une tasse et je la
mis sur cette sauterelle, n'osant pas la tuer.
Le matin suivant cette sauterelle était morte, privée d'oxygène, et
je pensai
que je l'avais tuée pour l'empêcher de sauter à l'aveuglette
dans l'horreur de ma chambre à coucher.
Horreur qui était pour elle, pas seulement pour moi, mais pour arrêter
cette horreur
la seule alternative était d'arrêter la vie dans son flux.
Et l'horreur de cette mort
était de peu inférieure à l'horreur
de ces sauts déments ici et là.
Ainsi je me souviens.”
Poussière donc, et je regrette ici de ne pouvoir le lire en entier, n'a rien d'un hymne à la négativité. Le pessimisme, et l'on me permettra de reprendre les mots du poète et critique Andrea di Consoli, y est un « pessimisme de méthode », léopardien pour ainsi dire. Si la vieillesse est un chemin vers la désagrégation du corps -la poussière, on le sait, est aussi un topos chrétien-, elle n'en reste pas moins celui qui mène vers un apaisement du désir, et donc vers une perspective plus vaste de l'espace et du temps, un chemin qui rend possible un dialogue entre l'individu dépouillé peu à peu de ses contingences et l'univers qui l'entoure. Qui permet d'atteindre, pour user de mots confucéens, « l'invariabilité dans le milieu ». Je cite encore:
“Dans cette diminution,
est ma patience.
Les petites douleurs servent
à éviter les grandes.
Ainsi la fluidité de l'eau et aussi de la terre,
changement continuel du jour et de la nuit. »
Passage symptomatique, qui nous fait aussitôt glisser de la résignation individuelle au contact des élements. La suite est sur ce point encore plus éloquente:
“Donc, cela se passa ainsi:
Ainsi de l'image d'une primitive unité
se formèrent des décombres, et cette unité ne surgit pas,
et les décombres se firent poussière. De cette poussière ressurgit
la vie, une seconde vie artificielle, comme sont artificiels
les maisons, les habits, les belles femmes, les talons aiguilles, les collants,
la brillantine pour hommes. Vie qui surgit de la
fragilité. Comme une possession. Les sens étaient morts.
Vie diminuée. Réduite.
Comme un cauchemar au repos. Un reflet
dans un lac. »
La conscience de la mort à venir - conscience de la vieillesse comme une promesse de mort-, a son pendant dans le retour aux origines, comme si le mystère de la vie, de la naissance, se dévoilait enfin:
“Ainsi naquit la vie. De la poussière, de la
catastrophe. Du brisement et des décombres
brisés. Ainsi naquit la force. De la
faiblesse, de ce que la faiblesse
implique. De son acceptation à se faire
pénétrer par le soleil. »
Cette conscience double est aussi rendue par l'écriture poétique, que l'auteur compare volontiers à une exploration absolue de soi-même - « Je n'écris pas, mais je suis écrit » affirme-t-il dans la postface de Sasso-, ou à un enfantement. Il ajoute même, dans Considérations sur les artistes :
« -Les artistes sont des femmes:
-parce qu'ils créent (seules les femmes créent, les hommes se contentent d'exploiter le créé en luttant les uns avec les autres, l'homme est la mort et la femme est la vie, l'homme est essentiellement homicide quand la femme est mère, l'homme créatif crée seulement avec sa part féminine). »
C'est peut-être ici qu'on pourrait mettre à nu une dialectique cachée, archaïque aussi, je dirais volontiers renaissante. Comme celle qu'Ernst Bloch décelait chez Jakob Böhme :
« Un dimanche matin, il avisa dans son échoppe de cordonnier, sur une étagère fixée au mur, une assiette d'étain; cette assiette brillait “d'un bel éclat jovien”, pour employer les termes mêmes de Jakob Böhme. L'étain est consacré à Jupiter, d'où l'épithète “jovien” qui dérive du génitif latin de Jupiter, Jovis. Mais voici l'important: en remarquant le rayon de lumière sur le fond sombre de l'étain, Böhme comprit soudain que la lumière ne peut se révéler que sur un fond d'obscurité. Le rayon de lumière sur le fond sombre de l'étain lui apprend que la lumière a besoin de l'obscurité pour se manifester, que toute chose a besoin d'une contrepartie, que le “oui” n'existe pas sans le “non”, que le monde est fait de contrastes, qu'il est objectivement dialectique. »
C'est là je crois une grande force de ce poème, que d'être parvenu, dans sa simplicité même, à faire siennes pour tenter de les dépasser deux grandes conceptions philosophiques du temps, lesquelles se sont affrontées tout au long de l'époque contemporaine: celle historique, matérialiste et dialectique de Marx, celle anhistorique, cyclique, et antidialectique de Nietzsche. Dans la postface que j'ai écrite pour les éditions Alidades -I will show you dust in a handful of fear, « je te montrerai la poussière dans une poignée de peur »-, j'ai essayé de voir comment ce poème répondait, à un demi-siècle de distance, à The vaste land de T.-S. Eliot. La perspective n'y est plus celle du postmodernisme, mais celle d'un classicisme apaisé. Celui-là même que Carlo Bordini voyait à l'œuvre dans les photographies de Luigi Ghirri, décédé en 1992, l'année-même de Poussière. On me permettra de lire, pour conclure, les dernières lignes de l'hommage qu'il rendit alors à cet ami très proche:
« Ainsi je me suis toujours représenté Ghirri comme un grand alchimiste, comme quelqu'un, au fond, qui montrait le monde comme il aurait dû et comme il aurait pu être, mais c'est là aussi, un peu, l'idée de l'idéalisation classique de la réalité. Qu'ensuite, derrière sa façon de montrer le monde comme il aurait dû être, derrière cette manière d'être classique, il y ait une très forte polémique, une très forte position politique, une protestation très forte contre ce qu'est le monde et ce que nous sommes en train de le faire devenir, c'est là, selon moi, la source de son classicisme, de son classicisme si profondément « italien ».
Tel est, je pense, ce qu'il y a derrière cette apparente, stupéfiante « simplicité », cette idée d'un monde simple, qui se crée seul, et qui n'a aucune, aucune possibilité d'être différent. »
Olivier Favier
Conférence prononcée à l'EHESS, dans le cadre des journées autour de L'art et le Vivant de Jackie Pigeaud, le 6 juin 2008.