Polidoro da Caravaggio


Polidoro Caldara dit da CaravaggioPolidoro Caldara dit da Caravaggio est né, comme son nom l’indique, à Caravaggio vers 1490-1499, dans une petite ville de Lombardie dont sera également natif plus tard Michelangelo Merisi, dit Le Caravage. Entre 15 et 20 ans, il arrive comme maçon sur le chantier des Loges du Vatican que dirige Raphaël et y porte des auges de chaux. Pendant cinq ans il apprend à dessiner et à peindre en regardant les artistes travailler. Il est le type même du jeune homme, doué naturellement, qui ignore les voies académiques. Raphaël et ses collaborateurs le remarquent et sous leur tutelle, Polidoro ne manque pas de devenir l’un des plus beaux talents de l’équipe.

A la mort de Raphaël (1520), Polidoro s’associe au peintre florentin, Maturino, avec lequel il dessine résolument les vestiges antiques, trouvant là le matériel de ce qui va devenir à Rome la spécialité des deux artistes : la peinture en grisaille ou en camaïeu des façades des palais romains à l’imitation des bas reliefs antiques. Il reprend là un genre dans lequel Raphaël avait peu travaillé mais que son rival siennois, Baldassare Peruzzi avait récemment codifié. L’exposition présentera l’un des rares dessins (Paris, Ecole des Beaux-Arts) conservés pour l’une des quarante façade peintes pendant leur sept années d’activité à Rome et qui proposaient aux passants romains une sorte de musée idéal d’une antiquité recréée. Dans cette entreprise, Polidoro ne tarde pas à occulter Maturino et nul ne peut dire ce qu’il serait advenu de leur association si le sac de Rome en 1527 n’avait pas provoqué la mort de Maturino et la fuite de Polidoro à Naples, puis à Messine. Là, malgré une insertion professionnelle réussie et un carnet de commande bien rempli, Polidoro garde la nostalgie de ses attaches romaines. Après sept à quinze ans d’activité à Messine, et bien que retenu dans cette ville par un amour pour une femme du lieu, il forme le projet de rentrer à Rome, règle ses affaires, vide ses comptes. Un élève qui espérait qu’il demeure à Messine pour hériter de ses biens et de son atelier se sent floué. La veille du départ de son maître, il forme un complot, l’assassine pour lui voler son pécule et fait porter le cadavre à la porte de maison de l’amante de Polidoro afin de faire croire à un drame de la jalousie. Mais la femme est innocentée, l’élève puni.

Polidoro a été l’un des plus fiévreux et des plus acerbes dessinateurs de son temps A Rome, ses sanguines associent la vivacité de l’observation sur nature aux grands types créés par Michel-Ange. Ses lavis rehaussés de blancs, où circule une humanité fébrile et portée au pathos, invente un genre de dessin pictural, presque en clair-obscur, fort singulier. A Naples, puis à Messine où la plume devient progressivement son outil privilégié, son expression graphique se fait encore plus sombre et plus tendue. Cette gravité inquiète sonne aujourd’hui comme un expressionnisme.