Société

Publié le jeudi, 17 septembre 2009 à 17h40

Mike Bongiorno mort et ressuscité en 12 jours

Par Stefano Palombari

Mike Bongiorno dans la publicité post portem infostradaLe roi des quiz télévisés est mort le 8 septembre à 85 ans à la suite d'un infarctus. La télé a ses rythmes et ses règles qui ne coïncident pas forcément avec ceux de la nature. Mike Bongiorno apparaîtra donc post mortem le 20 septembre pour une série de spots publicitaires pour l'opérateur téléphonique Wind Infostrada. Pouvoir des recettes publicitaires et du jeu, tantôt hilarant tantôt macabre, qui permet aisément de garder une main ostensiblement posée sur le cœur et l'autre discrètement posée sur le portefeuille.

Mike a été victime de son icône. Les icônes survivent aux modèles et elles se portent même mieux une fois que ces derniers ont disparu. Les contradictions, nombreuses et flagrantes, du personnage nourrissaient et renforçaient son image, au lieu de lui nuire. C'était quand même un comble que le présentateur le plus populaire de la télévision italienne se refuse obstinément à prendre le passeport du pays qui lui vouait une telle affection[1]. Et puis, autre perplexité, pourquoi confier à un inculte des émissions où il fallait répondre à des questions de culture générale ? Ses gaffes sont devenues mythiques, comme celle sur le pape Paul VI (mais qui est-il ce Paolovi ?) ou sur le célèbre peintre Paolo Uccello (oiseau en italien), question « ornithologique » d'après Mike. Les dirigeants de la RAI ont fait preuve d'une remarquable intuition car le public a adoré.

Mike devient le symbole du divertissement à la télé. Son célèbre « allegria !», « allégresse !! », par lequel il saluait son public retentissait dans toutes les maisons italiennes. Dans ses émissions, il reçut les célébrités les plus en vue de l'époque. Le réalisateur Ettore Scola le consacra dans une scène de son chef-d'œuvre Nous nous sommes tant aimés. Il compte à son palmarès des émissions mythiques comme Lascia o raddoppia (Quitte ou double ?), La Ruota della fortuna (la roue de la fortune), richiatutto, scommettiamo (Parions). Il peut être considéré à juste titre comme l'inventeur du « format » télévisuel tant en vogue aujourd'hui. Il adaptait à la télé italienne des émissions qui populaires aux États-Unis. Le mystère de son rapport particulier avec le public a poussé le sémiologue Umberto Eco en 1963 à lui consacrer un texte, Fenomenologia di Mike Bongiorno, qui n'a fait qu'accroître sa célébrité.

Assez logiquement, en 1980 il abandonne la RAI et se transfère sur les chaînes naissantes de la télévision commerciale berlusconienne. Il en était en quelque sorte le parrain, l'inspirateur. Il allait être cloné et démultiplié par le nombre d'émissions que ces chaînes allaient concevoir. C'est dans le groupe Mediaset, qu'il a pu donner le meilleur de lui même : Être la voix du patron et de ses sponsors. A l'intérieur de ses émissions, il passait sans transition des questions posées à un concurrent aux couches pour les enfants et aux tranches de mortadella, comme s'il s'agissait d'un lien logique. Après une question d'art ou de culture, il faisait la promotion de rasoirs pour l'épilation intégrale sans la moindre gêne. Gêne qui était toujours absente, lorsqu'il prodiguait des louanges à son employeur, un certain Silvio Berlusconi.
Avec l'entrée en politique de ce-dernier, Mike a mis tout simplement à sa disposition son emprise sur le public, jusqu'à la déclaration de vote en direct. Force est de reconnaître qu'il ne fut pas le seul.

Tout ça a marché parfaitement, jusqu'au jour où, à Mediaset, ils ont compris qu'ils pouvaient se passer de l'original. Les clones bien formés pouvaient assurer la relève. C'est ce qui s'est passé le printemps dernier lorsqu'il a été mis à la porte sans même un « au revoir » de circonstance. Le choc médiatique à été si fort que Berlusconi dut intervenir directement car l'ancien serviteur, qui savait rester à sa place, n'arrêtait pas d'afficher publiquement sa déception.

A partir du 20 septembre, il sera donc de nouveau sur les écrans en compagnie de Leonardo son fils cadet et de Fiorello (un autre présentateur et humoriste télé, qui s'affiche comme son héritier au point de reprendre son célèbre « allegria ! »). Ce ne sera pas pour une émission, mais pour de la pub pure. Les publicitaires misent sur une loi somme toute assez simple, « très fort de son vivant, mort, il fera des miracles. »

Notes

[1] Michael Nicholas Salvatore Bongiorno est né à New York d'une famille d'origine italienne. Il est arrivé en Italie à l'âge de 6 ans. Il est resté américain jusqu'à il y a six ans lorsqu'à 79 ans il a pris aussi la nationalité italienne.