Dans les petits plats des grands

Publié le mardi, 19 octobre 2010 à 21h59

Catherine De Médicis : De la fourchette, aux lames saignantes.

Par Valérie Quezada De Talavera

Caterine de MediciEn 1533, deux adolescents d’à peine 14 ans se marient : le futur roi de France Henri II et l’italienne Catherine de Médicis. L’alliance conclue entre la cuisine française et italienne donne naissance à la mythique « révolution gastronomique française » ainsi baptisée par bon nombre d’historiens. Mais en déballant la dot italienne, on découvre que finalement rien n’est ni tout noir ni… tout rouge, aussi bien en matière d'histoire que de gastronomie.

La duchessina Caterina de Medici est issue d’une famille de banquiers, orpheline de Madeleine de la Tour d’Auvergne, française, morte quelques jours après sa naissance et d’un père duc d’Urbain, six jours plus tard, suivis par son aïeule Alphonsine Orsini et sa tante Madeleine Cibo, bref une entrée au monde un peu sombre, les temps sont durs.

La mort et la violence font partie du quotidien de l’enfant élevée entre Rome et Florence en pleine guerre. Elle apprend la fureur des armes, la rage des émeutiers, le grondement des canons, malgré la protection de son parent le cardinal Jules de Médicis, pape Clément VII. Elle a huit ans lorsque la République de Florence saisit Rome, et sera pendant les trois années suivantes un important enjeux politique, tantôt otage protégée, tantôt enfermée, pour finir au couvent des Murâtes. Au milieu des nonnes qui s’attachent à l’enfant, celle-ci passe enfin des jours paisibles. Jusqu’au jour où son illustre parent Clément VII la rapatrie à la cour pontificale, un beau parti dont l’avenir est déjà joué : il faut marier la fillette. Tout le monde s’accorde à louer « …son naturel très vivace, son esprit charmant et ses manières distinguées, douces et affectueuses ».

La France, proche parent

Quant François Ier devient son beau-père, il espère par cette alliance récupérer des duchés italiens, en amoureux des raffinements de la culture italienne ; il est d’autant plus heureux de découvrir l’intelligence et l’instruction de sa bru, rare pour une femme de l’époque, qu’ils ont en commun le goût de la chasse et des exercices physiques. Ses espoirs s’évanouiront à la mort du pape protecteur. Les fans s’arrêtent là, car Henri déteste d'emblée Catherine, malgré toute la bonne volonté de la Duchessina (qui mettra au monde une dizaine d’enfants !), lui préférant jusqu’à sa mort Diane de Poitiers de 20 ans son aînée.

Haricots et verres « Murano »

Dans les bagages de cette jeune reine superstitieuse fraîchement arrivée en France, on trouve des recettes de cuisine personnelles, mais surtout celles de la fameuse « révolution gastronomique française », déjà entamée depuis un certain temps. Pour commencer, le banquet de mariage, offert en grande pompe par le pape à Marseille, est un défilé des mets les plus savants, jusqu’aux fameux sorbets « tutti frutti » qui font entrer en scène la préférence italienne. Le créateur de ce dessert étonnant serait un certain Ruggeri, marchand de volailles et cuisinier à temps perdu, qui remporta un tournoi culinaire à la cour des Médicis de Florence grâce à un mélange gelé de fruits, de crème fraîche et de sabayon.

Vient aussi la fourchette à deux dents, originaire de Venise et Florence, qui s’imposera à la table du roi de France mais… sous Louis XIV et encore! On ne l'utilise pas, car le roi préférera manger avec trois doigts qu’il effleure d’une serviette humide. Il y a également les assiettes en faïence et les verres importés de l’île de Murano où sont exilés sous contrat leurs artisans, puis progressivement la vaisselle lourde de coupes de vermeil, d'argent ou d'étain disparaît. On trouve même, tout au fond d’une malle, des haricots offerts par un humaniste italien, qui les avait lui-même reçus du pape Clément VII, qui les avait reçus des Indes occidentales ; Au fil des années elle va varier les menus en donnant leur lettres de noblesse au plus humbles serviteurs de la gastronomie: les légumes. Mais en attendant, elle est autant dans l'ignorance de ses futures fonctions que de la manière d'assaisonner les haricots, pour conquérir le peuple Français.
suite: 2ème partie