Editopolis

Publié le jeudi, 1 octobre 2009 à 08h16

Services Rendus SA

Par Vito Vespucci

     On aura l'occasion de parler souvent sur Italopolis de l'État du Vatican. Pas pour nous lancer dans une critique de la chrétienté, per carità!, mais s'attarder un peu sur ce petit paradis fiscal qui a toutes ses frontières avec l'Italie, qui arrose le pays d'ondes radiophoniques ultra-puissantes (Radio Maria), qui parfois semble être au centre -Rome- ce que la Banca Rasini du père de Silvio fut au Nord à Milan: une grande lessiveuse. Un tout petit État souverain, très pratique (pourquoi se rendre en Suisse quand à deux pas...?!), qui réserva aussi à peine en dehors de ses murs, dans la basilique de Saint-Apollinaire, une sépulture à Enrico De Pedis, chef de la banda della Magliana, et ce pour "service rendu".

"Il n'était peut-être pas un bienfaiteur pour tous, mais pour Saint-Apollinaire si" (Giulio Andreotti)

      Va expliquer ça aux pèlerins! Se méritent-ils d'ailleurs d'entendre de telles saletés, ceux qui viennent visiter la Mecque chrétienne, pieds nus et l'âme pure (ou en quête de pureté) ? 

     Tra una balla e l'altra, mi chiedevo, je me disais aussi dans tout ça: mais et le Berluska? Sera-t-il enterré à Corleone ou dans son mausolée d'Arcore? Car mine de rien l'onorevole Silvio, qu'il ait livré ou pas l'une de ses télévisions à la mafia (comme cela lui fut demandé, pour "service rendu", nous explique-t-on d'un peu partout) est en train de travailler dur, inconsciemment c'est certain, pour la criminalité organisée avec son bouclier fiscal: une méga-ristourne, amnistie et blanchiment massif. Même l'anonymat est assuré. Fabrice Rizzoli vous en parle ici dans "Une troisième amnistie fiscalo-mafieuse" (1).

     Revenant au "Vatican SA": Pour ouvrir le dossier "Vatican" sur Italopolis, retour sur la mort très tranquille de Paul Casimir Marcinkus (1922-1986), à travers la traduction d'un article d'époque signé Enzo Biagi. Le grand journaliste croyait qu'avec la disparition de l'archevêque américain s'envolaient les chances de pouvoir un jour mieux comprendre le fond de "l'affaire vaticane". Et bien non, de nouveaux éléments sont apparus. Encore mieux: une archive complète, commentée et augmentée. Aïe.

En Italie vient d'être publié un livre intitulé Vaticano SpA, où SpA signifie Società per Azioni, qui est la forme statutaire équivalente de la SA, la Société anonyme en France. Ce livre, écrit par un journaliste, Gianluigi Nuzzi, se base sur les archives gardées secrètes de Monseigneur Renato Dardozzi, soit environ 4 000 documents collectés sur un quart de siècle, tous plus confidentiels les uns que les autres (relevés de compte, fiches d'ouverture de comptes chiffrés avec les signatures autorisées, correspondance réservée avec le pape Jean-Paul II et les plus hauts dignitaires de l'époque, de 1974 à la fin des années 90), qu'il a voulu rendre publics après sa mort, "pour que tout le monde puisse savoir ce qui s'est passé", selon ses dispositions testamentaires (Adscriptor, Jean-Marie Le Ray).

     La sortie du livre "VATICANO SPA" -peu avant l'été- est très peu commenté en Italie, malgré de fortes ventes (c'est encore la maison d'édition Chiarelettere qui s'y colle). On attend vraisemblablement que les ventes se tassent pour... continuer à ne pas en parler. Le silence est d'IOR, c'est bien connu.

     Le nom de Paul Casimir Marcinkus restera lui éternellement lié au krach scandaleux du Banco Ambrosiano, au "suicide" de son directeur Roberto Calvi (1982), et à divers autres hommes sulfureux comme Sindona, Flavio Carboni, Licio Gelli (P2), et j'en passe. Le film "I Banchieri di Dio" ("Les banquiers de Dieu", 2002), considéré d'intérêt national dès 2000 (et qui subit cependant des pressions durant le tournage) nous en parle... en italien (2). Le nom de Marcinkus est aussi associé à la thèse du complot contre Jean-Paul Ier, qui voulait "nettoyer" l'Église catholique romaine.

     Mais n'oublions pas la fraîche publication, également, de la traduction de "Chiamate l'ambulanza" (littéralement: "Appelez l'ambulance"!) de Marco Travaglio, paru hier matin dans "Il Fatto" et rebaptisé ici "Le fou furieux". Un excellent résumé de l'état des lieux: une phase délirante de l'histoire politique (?) italienne.

     Bonnes lectures,
     vV


(1)  Je vous signale aussi à ce sujet un article énervé de Jean-Marie Le Ray -qui comme Fabrice Rizzoli est l'un des auteurs du nouveau Italopolis- paru hier sur son blog personnel: "Berlusconi lave plus blanc que blanc").

(2) Ici sur Google videos: http://video.google.com/videoplay?docid=-5325214220882305252#