Antimafia

Publié le lundi, 21 septembre 2009 à 11h00

L'équivoque (Paolo Borsellino, 1989)

Par Vito Vespucci

Le 26 janvier 1989, à Bassano del Grappa (Veneto), Paolo Borsellino tenait leçon sur la mafia. Des paroles limpides, qui restent encore aujourd'hui sans effet. Comme le démontre l'infini procès en cours à l'encontre du sénateur "onorevole" Marcello Dell'Utri ¹. Assassiné le 19 juillet 1992, très peu après Giovanni Falcone (23 mai 1992), le mystère autour de la mort du juge antimafia continue à s'épaissir, ou s'éclaircir. L'«équivoque» est toujours là, et on dit même qu'elle l'aurait tué. Il l'avait par ailleurs lui-même pronostiqué: «Ils me tueront, mais ce ne sera pas une vengeance de la mafia, la mafia ne se venge pas. Peut-être seront-ils mafieux, ceux qui m'exécuteront, mais d'autres qu'eux auront voulu ma mort ²» ...



Leçon sur la mafia, extrait (Lezione sulla mafia)

« Il y a une équivoque sur laquelle certains s'appuient souvent. On peut la résumer ainsi:

Tel homme politique a été proche d'un mafieux ou tel homme politique a été accusé d'avoir des convergences d'intérêts avec des organisations mafieuses, mais la magistrature ne l'a pas condamné, donc ce politique est un honnête homme...

Mais Non!

Non, ce discours-là ne fonctionne pas, car la magistrature peut seulement faire des évaluations de caractère judiciaire. Elle peut dire: "bon, nous avons des soupçons, et même des soupçons graves, mais nous n'avons pas la certitude juridique, judiciaire, qui puisse nous consentir d'affirmer que cette homme est un mafieux.

Mais si des enquêtes ont émergé de tels faits, alors, d'autres organes, d'autres pouvoirs, et j'entends ici les politiques, les organisations disciplinaires des diverses administrations, les conseils communaux etc, devaient alors tirer les conclusions qui s'imposent devant certains voisinages constatés entre des hommes politiques et des mafieux. Un fait qui en soit n'est pas un délit mais rend en tous les cas l'homme politique impliqué indigne de confiance en ce qui concerne la gestion des affaires publiques.

Cette réflexion n'a pas été faite car l'on s'est caché derrière le rideau de la sentence: « ce type n'a jamais été condamné, donc c'est un honnête homme ».

Mais dis-moi un peu, toi, ne connais-tu pas des personnes malhonnêtes qui n'ont jamais été condamnées parce que manquent les preuves pour le faire? Et pourtant il y a à leur encontre ce gros soupçon qui devrait, pour le moins, induire les partis politiques, surtout eux, à faire un grand nettoyage en leur sein. Pas seulement être honnêtes, mais démontrer leur honnêteté en nettoyant leur parti de l'intérieur, en se libérant de ceux qui sont concernés par de tels épisodes, des faits si inquiétants, et ce qu'ils constituent un délit ou pas. »

Paolo Borsellino
26/01/1989, Institut Tecnico professionale de Bassano del Grappa.


Traduit de l'italien par Vito Vespucci

¹ Suggestions de lecture: articles récents d'Eric Valmir ("En direct de la Cour de Palerme", "Les prochains rendez-vous de la Cour d'Appel de Palerme") ; Jean-Marie Le Ray "Marcello Dell'Utri, éminence noire de Berlusconi".
² Paolo Borsellino, cité dans le livre "L'agenda rossa di Paolo Borsellino"de Giuseppe Lo Bianco et Sandra Rizza / Chiarelettere, 2007)


« Celui qui a peur meurt tous les jours. Celui qui n'a pas peur meurt une seule fois. » (Paolo Borsellino)