Interviews

Publié le dimanche, 13 février 2011 à 18h45

Entretien avec Ivano De Matteo

Par Stefano Palombari

Ivano De Matteo

Nous avons rencontré Ivano De Matteo réalisateur du très beau film La bella gente, les gens bien, de passage à Paris pour la promotion du film qui sortira dans les salles le 16 février 2011

D’où vous est venue l’idée d’un tel sujet ?

En ce moment, le marché demande plutôt des comédies soft. Moi et ma compagne, qui est la scénariste du film, avions décidé de faire une analyse et une critique d’une certaine bourgeoisie de gauche. Une critique de gauche bien évidemment. Au fur et à mesure qu’on avançait, on a remarqué que c’était un film sur l’hypocrisie et sur les faiblesses humaines et à la fin du film je me suis demandé, mais moi qu’aurais-je fait à sa place ?

Peut-être que beaucoup de gens n’auraient même pas fait le premier pas.

En effet le premier pas, le « sauvetage de Nadja », est très gênant.

Ils disent vouloir l’aider… derrière le mot « aider » peuvent se cacher plein de choses.

C’est très difficile d’aider quelqu’un. L’aide, la vraie, est toujours liée au temps. Elle a une date de péremption. Si j’aide quelqu’un avec la conscience que mon aide a un terme alors c’est vraiment utile. Sinon, c’est une aide ambiguë, douteuse.

C’est le cas de Susanna.

Exactement. Nadja commence à déranger dès qu’elle n’a plus besoin d’aide, dès qu’elle prend goût à la vie.

Un personnage que j’ai beaucoup aimé avec tous ses défauts… je le trouve touchant, c’est Alfredo. C’est lui qui fait le sale boulot.

C’était le rôle parfait pour Antonio Catania car c’est un personnage à la fois dramatique et ironique. Très réaliste aussi. Il est fort probable qu’il connaissait déjà dès le début l’épilogue de l’histoire. Mais il a cédé à l’insistance de sa femme. Et comme c’est lui qui a commencé le travail, c’était à lui de le terminer. Un lâche, un faible ? Moi, je crois plutôt qu’il a voulu défendre son foyer. D’ailleurs il se définit lui-même comme le médiateur, celui qui résout les problèmes, notamment après les coups de tête de Susanna. C’est lui qui compose avec la réalité.

Pourquoi en Italie on ne peut pas voir ce film ?

Si ce film avait eu une autre production, il serait sûrement sorti en salle sans problème. J’ai eu des problèmes avec le producteur de ce film, un petit producteur, car il songeait à quelque chose de beaucoup plus commercial et il a tenté de m’imposer des changements qui auraient transformé radicalement le film. Mais en Italie l’auteur a tous les droits sur son œuvre. Résultat, le film n’a pas été touché mais la production a décidé de le négliger. Dommage car pour le réaliser j’ai eu des contributions de l’Etat italien à la hauteur de 450.000 €. Donc ne pas le sortir équivaut à faire payer le contribuable sans lui donner la possibilité de voir le résultat de ce qu’il a aidé à financer. Heureusement, ces derniers jours, la situation semble se débloquer.

Donc pas de pressions politiques pour empêcher la distribution du film ?

Non, je ne crois pas. Au-delà de la critique à une certaine bourgeoisie de gauche, c’est un film qui dérange car il nous concerne tous. Chacun d’entre nous peut se sentir mis en cause par cette histoire.