Politique et économie

Publié le samedi, 5 septembre 2009 à 11h02

134 milliards de dollars - vrais ou faux ?

Par Jean-Marie Le Ray

Le 3 juin 2009, deux citoyens japonais étaient interpellés au poste frontière de Chiasso entre l'Italie et la Suisse avec 134,5 milliards de dollars de titres dans le double-fond d'une valise. Une somme énorme probablement destinée à déstabiliser le marché monétaire international, bien plus encore qu'en 1992 lorsque les spéculations de George Soros firent s'écrouler le cours de la lire italienne du matin au soir...

Le lendemain, 4 juin, la douane italienne émettait un communiqué officiel, n° de protocole 78836 /RU !


Communiqué de la Douane

Qui se termine ainsi : 

Si les titres sont vrais, selon la réglementation actuelle, la sanction administrative applicable pourrait atteindre 38 milliards d'euros, soit 40% de l'excédent de franchise autorisée, qui est de 10 000 euros.

Par contre ce qui est d'ores et déjà avéré, c'est l'identité des deux citoyens japonais, à savoir MM. Akihiko Yamaguchi, 55 ans, et Mitsuyoshi Watanabe, 61 ans :


Akihiko Yamaguchi & Mitsuyoshi Watanabe
Dès le 15 juin, soit moins de deux semaines après leur arrestation, leur passeport et leur identité étaient dévoilés sur un site ... américain, alors même qu'aucun journal italien n'avait encore donné leurs noms, qui n'apparurent que deux semaines plus tard !

Or le peu que l'on sait du CV de ces deux gentilshommes, qui entre-temps ont immédiatement été remis en liberté (autre incohérence...), ne fait qu'augmenter l'étrangeté qui entoure cette affaire, déjà bien mystérieuse et pleine d'apparentes contradictions.

Selon cette source, Akihiko Yamaguchi serait un ex-haut fonctionnaire du Ministère japonais des Finances, impliqué en son temps dans l'écoulement illégal d'obligations qui aurait conduit à son arrestation et à sa condamnation à 20 ans de prison pour fraude.

Selon cette autre source, Yamaguchi serait en outre le beau-frère de l'ex vice-gouverneur de la Banque du Japon, Toshiro Muto.

Quoi qu'il en soit, en 2004 il avait déjà pour complice Mitsuyoshi Watanabe comme il résulte de cette procuration (valide jusqu'en 2013...) pour écouler les fameux titres "Shōwa 57" (sur l'émission par le Japon de cette série d'obligations - nommée série 57, car émise en 1983, durant la 57e année du règne de l'empereur Hirohito -, j'aurai l'occasion d'y revenir, car après tout ce temps, nul ne sait encore vraiment, comme dans l'affaire qui nous occupe, si elles sont vraies et/ou fausses !).

Ceci étant, en trois mois, pas une seule fois les autorités japonaises ne se sont prononcées officiellement sur leurs deux concitoyens, alors qu'il y aurait matière, avouons...

Mais pour reprendre le cours des événements actuels, les 25, 26 et 27 juin, la Guardia di Finanza italienne, en collaboration avec les services secrets américains, a perquisitionné en différents endroits de la Lombardie, en saisissant téléphones mobiles, ordinateurs et documentation diverse auprès de personnes et sociétés liées à Alessandro Santi, ex-président du Consortium International des Transports de Rome et contact italien présumé des deux japonais, selon une reconstruction publiée le 6 juillet sur Il Giornale, le quotidien qui appartient au frère de Silvio Berlusconi.

Or l'un des premiers mystères dans cette affaire, c'est que si elle est trop grosse pour être vraie, elle est également trop grosse pour être fausse. Trop de choses clochent, y compris au niveau des médias qui seraient censés nous informer, et les comptes ne tournent pas ronds, loin s'en faut.

Car bien que tout ne soit pas toujours parfaitement recoupable, souvent des infos que l'on trouve chez les américains (sources anonymes) sont ensuite confirmées par les italiens (sources nommées, identifiables et ... apparemment fiables). Au point que si l'on a pu croire que les titres étaient faux (en s'arrêtant aux rares déclarations boiteuses fournies par quelques "officiels" américains), un examen plus attentif des faits laisse à penser qu'ils pourraient bien être authentiques :

..., selon Luigi Grimaldi, le journaliste de Liberazione qui a publié son article hier, en 1998, date d'émission de ces « billets des États-Unis » à l'effigie de Kennedy par le Trésor US et non par la Federal Reserve (qui ne ment donc pas en affirmant qu'elle n'a jamais émis de billets de cette valeur...), « 99% des billets en circulation étaient des billets de la Federal Reserve, et 1% des billets des États-Unis »... Ces derniers se distinguent des précédents en portant la mention « billet des États-Unis » (United States Note) et en ayant des numéros de série ROUGES (vs. VERTS pour les autres, Federal Reserve Notes) :


Or on voit parfaitement que les numéros de série des billets "Kennedy" sont rouges :

Une affaire qui a déjà fait l'objet en Italie de deux interrogations parlementaires écrites (n° 4/03294 et 4/03790, adressées par des membres du Parti Démocrate au Ministre de l'Économie et des Finances, Giulio Tremonti), sans réponses à ce jour.

En conclusion, trois mois plus tard, il n'y a encore aucune version "officielle" indiquant clairement si ces titres sont vrais ou faux !

Moins parce que les autorités compétentes, italiennes et américaines, l'ignorent (aux experts il ne faut pas trois mois pour déterminer si des titres sont faux, mais trois minutes, à la rigueur), que parce qu'elles ne veulent pas le dire !

Perso, vu les implications potentielles d'une telle histoire, j'ai clairement l'impression qu'on nous prend pour des gogos, pas vous ?